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commandées par Ferdinand vii, appelé le Néron moderne, et les fusillades d’Isabelle ii.

Si rien ne travaillait contre les républiques, il est évident qu’elles dureraient toujours. Mais je vais vous dire pourquoi plusieurs d’entre elles n’ont pas duré. C’est que la république est le gouvernement des hommes et que la monarchie est celui des enfants. Les peuples capables de se conduire par eux-mêmes n’ont pas besoin de rois ; aux peuples en tutelle, ceux-ci sont nécessaires.

Les peuples qui ont tour-à-tour proclamé la république dans les temps modernes, n’y étaient pas préparés. Sortis brusquement de longs siècles d’oppression, de misère, et d’une servitude qui les réduisait à l’état de brutes, ils étaient incapables d’exercer judicieusement et longtemps des droits qu’ils avaient conquis sans les comprendre.

Le plus frappant exemple en est donné par le peuple français qui a fait 89, mais qui ne tarda pas à retomber sous le joug, parce que les trois quarts de ses enfants ne savaient pas lire.

La liberté est une école, et sans l’éducation politique, sans la science du droit populaire, les républiques sont impossibles.

L’Espagne retombera encore peut-être sous la monarchie ; il faut s’y attendre. Mais la Suisse y est-elle retombée depuis cinq cents ans ? Les États-Unis y sont-ils retombés ? Non, parce qu’avant de proclamer leur indépendance, ils avaient eu deux siècles d’institutions libres, deux siècles d’une république de fait, si ce n’est de nom.

« Sait-on pourquoi les adversaires de la monarchie ont à citer plus d’exemples de monarchies tombées que nous en avons à citer de républiques déchues ? C’est que le sentiment républicain est si peu naturel à l’humanité qu’il n’a jamais eu la vogue et que les peuples n’en ont pas voulu. De là le nombre restreint des républiques. »

Le sentiment républicain n’est pas naturel à l’humanité, et les peuples n’en veulent pas !

Qu’ont-ils donc fait, les peuples, toutes les fois qu’ils ont brisé un despotisme, chassé des rois ? Ils ont proclamé toujours et invariablement la république.

La république est l’aspiration constante, universelle des hommes. Semblable à un but éloigné, mais qu’on poursuit toujours, tantôt avec des défaillances, tantôt avec une ardeur nouvelle, la république apparaît comme le terme de leurs espérances, comme le seul gouvernement où la liberté ait des garanties inviolables, où le peuple soit maître de ses destinées.

Dira-t-on que les hommes tendent à l’éternisation de leur dépendance plutôt qu’à la jouissance de la liberté ? Dira-t-on qu’ils aiment mieux obéir qu’exercer eux-mêmes leur volonté dans la souveraineté nationale ? Voilà pourtant ce que vous prétendez.

Interrogez l’histoire depuis qu’on l’a écrite pour l’enseignement des générations.

Que fit Rome lorsqu’elle s’affranchit des Tarquins ? Elle fit la république. Cette république dura cinq cents ans ; tant qu’elle fut vertueuse, elle mérita d’être libre. Plus tard elle se corrompit, et