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fille que de la condamner à une vie de privations et de luttes continuelles. Julie épousera donc M. de la Brive. Mais Mercadet ne tarde pas à connaître la véritable position de fortune de son futur gendre. De la Brive n’a que des dettes; son véritable nom est Michonnin, mais il a pris celui d’une ferme d’une valeur de 30.000 francs, hypothéquée pour plus de 45.000 francs. Il signe ses lettres de change sous son véritable nom et Mereadet en a dans son portefeuille pour 48.000 francs. La nouvelle de la rupture du projet de mariage de Mlle Julie parvient à la connaissance des créanciers de Mercadet et met le comble à leur indignation contre lui. Ils vont cette fois l’envoyer à Clichy; mais le spéculateur n’est pas à bout d’inventions. Il les reçoit avec son assurance ordinaire, comptant sur le secours de la Brive qui va arriver dans une berline couverte de boue et de poussière et qui se fera passer pour un certain Godeau, revenant des Indes, où il s’était rendu jadis après avoir enlevé une somme considérable à Mercadet. Le bruit d’une voiture se fait entendre en effet, et Mercadet ne revient pas de sa surprise quand il voit les créanciers successivement désintéressés. Le véritable Godeau, aujourd’hui plusieurs fois millionnaire, est revenu et a pris la place de la Brive que les conseils de Mme Mercadet ont déterminé à ne pas se prêter aux combinaisons fort peu délicates de son mari.

Julie épousera Juli.en, qui, dans ce moment suprême, avait remis à Mercadet un capital de 30.000 francs formant toute sa fortune; et celui-ci, guéri de sa fièvre de spéculations, se retirera à la campagne, après avoir rendu à de la Brive ses acceptations acquittées et lui avoir prêté une somme de 10.000 fr., afin de goûter à son tour le plaisir d’avoir des débiteurs. Nous proposons l’autorisation, à la charge des deux modifications de détail opérées sur le manuscrit. Malgré des inconvénients que nous ne nous sommes pas dissimulés, nous avons été amenés à cette conclusion par ces motifs que la pièce est la peinture particulière d’une situation donnée, que la forme n’en est point agressive, qu’elle est l’œuvre posthume d’un grand écrivain, H. de Balzac, et qu’enfin le théâtre sur lequel elle doit être jouée (le Gymnase Dramatique) ne présente pas les dangers d’une salle populaire.