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de jours consommés dans la sainte vie que nous avons racontée, il se reposa dans le Seigneur. Entré dans la voie où toute chair aboutit, pressentant sa mort prochaine, il déposa le fardeau de l’épiscopat, fit les vœux monastiques et revêtit l’habit de saint Benoît, en se donnant à Saint-Aubin. Ainsi lui aussi, dépouillé de tout, il se fit pauvre pour mieux suivre le Christ pauvre. Autrefois, comme Marthe, il avait pris souci et peine de beaucoup de choses ; désormais, comme une autre Marie, reconnaissant qu’une seule chose est nécessaire, il avait choisi la meilleure part, et elle ne lui sera point ôtée. »

C’est dans ces termes que les moines d’Angers annonçaient au monde religieux et lettré la mort d’un homme qui fut à la fois un pieux et saint évêque, un littérateur illustre, et sans contestation possible le plus grand poëte du xie siècle.

Ses contemporains furent unanimes à lui décerner ce titre, et il le méritait.

Cela prouve peu en faveur de son mérite, pensera quelqu’un, qui ne connait les siècles réputés barbares que par les abrégés et manuels soi-disant classiques d’histoire littéraire. Je reconnais que le xie siècle brille peu ; mais c’était cependant un siècle de renaissance, et l’homme qui se met à la tête dans un pareil siècle ne peut pas être sans valeur.

Et ce qui constitue la valeur supérieure de Marbode, c’est qu’il ne se contenta pas, comme ses contemporains, d’employer la forme du vers à des épitaphes, à de pieuses chroniques, à des imitations plus ou moins heureuses des récits bibliques ou évangéliques ; il accueillit souvent la muse profane. Il ne se contenta pas, à un autre point de vue, du vers carlovingien, où la rime, doublée, triplée, quintuplée, embrouillé, enchevêtre, coupe et rompt à chaque pas et la période et la pensée elle-même ; il employa, et employa en maître, le vieux vers latin, le vers classique de Virgile et d’Ovide. Non pas que, suivant le goût et dans la forme de