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un voyage

ses nerfs de telle sorte que parfois sa main n’avait plus la sûreté nécessaire à l’exécution quasi fabuleuse de ses belles planches. Alors, pour retrouver le calme en changeant de besogne, il prenait un petit morceau de buis et sculptait l’une de ses figurines si habiles et fines qu’il nous a laissées.

Les grands artistes ont eu quelquefois de mauvaises compagnes : épouses querelleuses qui entourent le génie de médiocrité spirituelle, tracassent, amoindrissent, entravent ; maîtresses infidèles, avides, qui détournent de l’œuvre, ou forcent au travail hâtif, aux lâchetés, voire au crime comme cette Lucrezia qui fit un voleur du malheureux André del Sarto. C’est peut-être qu’éblouis, tentés par les beaux visages et les nobles lignes, les artistes sont moins curieux des magnificences morales. Créateurs, chercheurs, esclaves de la beauté, ils la subissent plus absolument que le commun des hommes. Elle est pour eux l’attrait irrésistible, la suprême promesse de bonheur. Et puis, il arrive que, malgré le dessin parfait de sa bouche, celle à qui ils se livrent les comble de misères, car cela n’engage pas à grand’chose, d’avoir une jolie bouche.

J’imagine, — et il se peut que je me trompe lourdement, mais cela ne fait rien du tout, — j’imagine qu’au contraire des peintres, des sculpteurs, des poètes si souvent tourmentés et méconnus par leurs associées, un grand nombre de savants ont trouvé des femmes ou des amies compréhensives, dévouées, dignes d’eux. — Je n’oublie pas qu’il y a Xantippe,