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nuremberg

mais il y a Mme de Condorcet aussi, et tant d’autres ! Peut-être, grâce à l’habitude des recherches difficiles, les savants deviennent-ils meilleurs psychologues que les artistes. Et puis encore, peut-être réussissent-ils leur vie sentimentale parce qu’ils sont moins émus par la beauté, qui rend un peu dangereuse la meilleure des femmes. Être belle, n’est-ce pas, cela donne des droits qui priment tous les droits ! Ainsi pensent pour la plupart, celles qui ont reçu du ciel le présent magnifique, et certaines ne perdent pas une occasion de montrer l’extrême énergie de leur certitude.

Afin de travailler en paix, d’être heureux, les artistes devraient-ils, se détournant avec épouvante de la beauté pleine de menaces, s’attacher de préférence à des laideronnes ? Mais les laideronnes ne sont pas nécessairement des anges. On en voit d’humeur fâcheuse, sèches de cœur, sans le moindre goût de sacrifice — on en voit même d’infidèles ! Et au résumé, la cruelle Lucrezia, Mme Rubens qui, j’en ai peur, trouva Van Dyck trop charmant, sont malgré tout des donneuses d’illusions, des inspiratrices, et si Mme Dürer n’eût crié tant d’injures par la trappe, peut-être nous n’aurions pas les figurines de buis…

Renonçant à découvrir un système qui assure le bonheur des peintres je vais prendre le thé dans un jardin en contre bas : le fossé des remparts. Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on goûte dans les remparts de Nuremberg. Au xve siècle, Frédéric III à cette même place où je suis, peut-être — y réu-