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LA HAYE


On se rappelle cette héroïne des Goncourt Renée Mauperin qui, cherchant à définir ses rêveries sur Venise, disait : « Venise, il me semble que c’est la ville où tous les musiciens sont enterrés. » L’idée est baroque, mais jolie, et surtout elle est bien une idée de femme : inexacte, pleine de vagues possibilités, de rapprochements arbitraires, et d’analogies, insaisissables pour les gens sérieux.

Elle me revient, cette absurde idée, tandis que dans les allées du bois ; sur les bords du Vyver où les reflets gardent la même immobilité que les façades ; partout, je m’abandonne à une impression toute aussi absurde et qui me charme.

La Haye n’a point de faste. Ses monuments sont médiocres, nulle part on ne lui trouve un aspect de grandeur. Malgré cela, elle me paraît, plus que toute autre ville, faite pour les rois. Des rois tels que les enfants se les figuraient lorsque j’étais enfant, et comme les petits d’aujourd’hui savent bien qu’ils ne sont pas ! Des rois qu’on ne voit jamais, et qui, vêtus avec une bizarrerie magnifique, ne font rien, qu’écouter des musiques douces, dans des chambres Ouvertes sur un jardin où l’eau ruisselle avec un