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GÊNES. VENISE.

des nefs s’élève une tour octogonale. L’intérieur est revêtu d’une peinture moderne, et d’ornementations gothiques sans goût. — S. Stefano, S. Tommaso [a], etc., sont insignifiants ; les façades et les tours se sont seules conservées.

De l’époque gothique, et encore du commencement du XIIIe siècle : S. Giovanni di Prè [b], église à piliers, à deux étages, sur une pente, dont l’architecte a su tirer parti ; plus récemment, elle a été orientée en sens invers de façon que le transept et l’ancien chœur sont maintenant près de la porte principale. — Une église un peu plus récente est S. Matteo [c] ; plus curieuse à l’intérieur par la transformation pleine de goût de Montorsoli que par son ordonnance ancienne. — S. Agostino et S. Maria in Via lata [d], toutes les deux modifiées à l’intérieur, sont ruinées et abandonnées.

Les tours sont bâties pour la plupart dans le style roman le plus simple en usage dans tout l’Occident. Celles qui sont plus modernes se distinguent, non seulement par la pyramide du milieu, mais encore par quatre pyramides angulaires, à la façon française.

Les cloitres ne sont pas le fort de Gênes, où les constructions sont si resserrées. Il y en a pourtant : l’un très grossier et très vieux (XIe siècle ?), à gauche de S. Maria delle Vigne [e]], avec chapiteaux cubiques, colonnes trapues et arcatures très ouvertes ; et un autre, un peu plus récent, à gauche de la cathédrale ; avec de petits pleins cintres reposant chacun sur deux colonnettes, un rez-de-chaussée et un étage supérieur. — Le gracieux cloître également à colonnes doubles, de S. Matteo (à gauche) [f], est d’une époque déjà assez avancée de la période gothique et pourtant c’est à peine s’il a des ogives.

Venise offre un ensemble d’architectures tout autre, très différent de tout ce que nous avons vu jusqu’ici. Le génie tout particulier de la riche cité des lagunes s’y manifeste distinctement ; dès le début, les traits fondamentaux du caractère national y apparaissent clairement. La construction sur pilotis resserre en d’étroites limites l’abri où le Vénitien peut enfouir ses trésors : mais plus l’édifice est étroit, plus le Vénitien le veut magnifique. Son goût est moins celui de la noblesse que celui d’une caste de marchands ; de l’Orient dévasté, il tire les matériaux les plus précieux, et en fait ses portiques d’église et ses palais. L’exemple de Constantinople et une sorte d’ambition patriotique, il est vrai, le poussent à la recherche de la grandeur et du style ; mais ce qui l’emporte, c’est le désir de faire l’étalage de sa richesse. — L’influence décisive dans l’architecture religieuse de Venise, c’est Byzance.

L’église de S. Marc [g] a été reconstruite après l’incendie de 976. D’après de nouvelles recherches, les trois absides et les murs d’encadrement doivent appartenir à la primitive église (basilique). La croix et les portiques seraient une reconstruction du XIe siècle, consacrée en 1094 ;