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TRAITS GÉNÉRAUX.

transept, etc.) rappelle le style de fortification des cathédrales franco-anglaises. À S. Giovanni maggiore [a] : un imposant portail de l’an 1415 dont l’architecture est de même d’un gothique presque français, (Ce qu’il y a de gothique à S. Chiara [b] est inachevé ou absolument défiguré.)

À l’exception de cette influence française isolée, le caractère fondamental du Midi l’a partout emporté. Les formes gothiques transplantées ne sont guère qu’un decor superficiel ; les pinacles, les gables, les meneaux des fenêtres, etc., ne sont et ne seront jamais en Italie que des ornements et des figures, car il leur manque la base dont ils seraient la résultante et l’expression, à savoir d’une part le rapport établi par le gothique du Nord entre l’espace et la hauteur, et, de l’autre, l’essor ascensionnel des formes. Tout au contraire, l’expression naturelle de l’ampleur recherchée par les Italiens est la ligne horizontale ; tandis que dans le Nord elle n’est indiquée que comme une étape déjà dépassée, elle domine en Italie. Naturellement il en résulte souvent des contradictions criantes avec le détail calculé spécialement en une de l’élan vers le haut ; et c’est l’église ou ce détail sera moindre qui présentera aussi le moins de contradictions. — À un examen plus attentif, il apparaîtra que la grande résolution venue du Nord gît ailleurs que dans le traitement même des formes. Ce n’est qu’au XIIIe siècle que le nouveau style pénétra vraiment au delà de l’Apennin, lorsque depuis longtemps la Lombardie connaissait l’architecture à piliers, dans le goût de l’architecture romane du Nord. La basilique à colonnes céda enfin aussi dans l’Italie centrale, non pas aux formes esthétiques, mais à la supériorité technique de cette architecture du Nord, transformée maintenant en architecture gothique. La voûte en grand, réservée jusqu’ici aux coupoles et aux niches, s’étend maintenant à tout l’édifice ; mais dans un autre sens qu’au Nord, tout au bénéficie de l’ampleur qui s’allie à la beauté de l’espace intérieur.

Me sera-t-il permis, sans blasphème, de faire quelque réserve sur le style gothique et de donner raison aux Italiens à cet égard ? Je demanderai alors si dans l’architecture du Nord il n’y a pas eu excès d’échafaudage, et si ce n’est pas aux frais énormes ainsi causés qu’il faut attribuer l’inachèvement de mainte cathédrale. On sera surpris de trouver en beaucoup d’édifices italiens de ce style, que les arcs-boutants si saillants dans le Nord sont à peine indiqués par des bandes de maçonnerie, qui naturellement n’ont aucun besoin d’être couronnés de pinacles. La raison en est claire : le Nord aurait infiniment exagéré les appuis de voutes, et le Sud a supprimé tout ce luxe comme inutile. Le gothique Septentrional, de plus, avait fait de la tour comme le patron, l’expression maîtresse de l’édifice, et l’église tout entière était plus ou moins façonnée sur ce modèle. Les Italiens, ne trouvant ce rapport ni nécessaire ni naturel, ont séparé les tours et l’église, ou ils ne les ont unies que sans prétention de style. Le but primitif des tours était de servir de clochers (campanili), et les Italiens n’ont perdu de vue ni le nom ni la