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MONUMENTS PROFANES : VENISE.

chaussée était (du moins à une époque antérieure) abandonné aux magasins et aux comptoirs ; de simples portes cintrées s’ouvrent sur le petit port des barques et des gondoles ; quelquefois, mais par exception, règne une galerie ouverte. Aux étages supérieurs, qui, vers l’époque byzantine (p. 33), n’avaient que des fenêtres cintrées et surhaussées sur colonnes, le gothique déploie aujourd’hui toute sa hardiesse et tout son éclat ; au-dessus des ogives et entre elles, se succèdent des rosaces également travaillées à jour et qui appartiennent encore à la fenêtre. Au centre, un groupe de ces fenêtres forme une grande loggia qui fait un contraste heureux avec les fenêtres isolées des deux côtés[1]. Ajoutez, aux angles de l’édifice, un revêtement de colonnes torses ; sur la surface des murs, des pierres de diverses couleurs aux fenêtres, des pignons en forme de poire, et aux bords du toit, des créneaux moresques : l’ensemble est plein de grâce et de gaieté. À cette architecture légère et aérienne il faut, il est vrai, pour cadre, la surface de l’eau et la vie du canal ; dès que ces palais ou le revers seulement se trouvent sur de simples places (campi), l’effet en est singulièrement diminué, et l’œil n’y goûte plus la joie des formes. Aussi un architecte habile se gardera-t-il de les imiter dans les rues des villes du Nord.

Le plus charmant de ces édifices est la Cà Doro [a] ; on y voit quelles sont, dans ce style, les dimensions dont l’effet est le plus heureux[2]. — Dans le grand nombre des autres palais, nous citerons ceux du Canal Grande, en commençant par la place Saint-Marc (à droite) le palais qui est aujourd’hui l’Albergo Dell’ Europa [b], et tout auprès, le Palais Contarini Fasan [c], dont les riches balcons sont encore bien conservés ; (à droite) les Palais Barbaro [d] et le Palais Cavalli [e] ce dernier a des fenêtres d’un style vigoureux ; — (à gauche) le Palais Giustiniani [f], et, à côté, le Palais Foscari[g], qui domine le tournant du canal, avec des loggie à huit fenêtres ; (à gauche) le Palais Pisani à S. Polo [h], qui est aussi l’un des plus remarquables ; — (à gauche) le Palais Bernardo [i] (à droite) le Palais Bembo [j]. — Après le Rialto (à droite) le Palais Sagredo [k], puis la Cà Doro déjà nommée.

Dans d’autres quartiers de la ville, il n’y a presque pas un seul canal, pas un seul campo « un peu grand » où l’œil ne remarque un édifice de ce style. Je citerai encore le palais [l] situé près de l’Aquila d’Oro, les édifices [m] près de S. Polo, l’Albergo Danieli [n], etc. Pour les aquarellistes, le Palais Cicogna [o], près de S. Angelo Raffaele, qui, en lui-même, n’a pas grand mérite.

Un certain nombre de monuments semblables se rencontrent encore à Padoue [p], et à Vicence [q], qui, malgré sa petitesse, a montré de tout temps un sens assez développé de l’architecture. Parmi les palais de

  1. Remarquer que la loggia se compose régulièrement d’un nombre pair de fenêtres (4, 6, 8), de sorte qu’il y a toujours une colonne au centre.
  2. Récemment mal restaurée.