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ARCHITECTURE GOTHIQUE.

tants, le tabernacle d’Orcagna ; plus loin, au chapitre de la Sculpture, il y aura d’autres œuvres à citer. Une fois vaincue la première surprise que cause tout style mixte, on remarquera combien déjà la Renaissance s’y est glissée (corniches horizontales à denticules, feuilles d’acanthe, transition de la console gothique à la console corinthienne, etc.). — Il est vrai que, dans l’ordonnance, le véritable organisme gothique a été généralement mal compris ou négligé à dessein, Mais le détail, affranchi de cette contrainte, s’abandonne à son libre cours dans une riche harmonie de la matière, de la forme et de la couleur. Les Cosmates (p. 20) avaient créé un système de formes décoratives auquel alors plus que jamais l’art resta fidèle, et qui souvent se mariait avec les formes fondamentales du gothique. La façade d’Orvieto montre jusqu’où menait parfois cette tendance. — Parmi les ouvrages de moindre importance, il faut surtout citer les tabernacles d’autels et les tombeaux.

Rome a quatre tabernacles remarquables : celui de Saint-Paul [a], construit peu de temps avant 1300, par Arnulfus (sans doute Arnolfo di Cambio), celui de S. Cecilia [b] (du même), celui de S. Maria in Cosmedin [c] (du Cosmate Adeodatus), après 1300, et celui de Saint-Jean de Latran [d] (vers 1370)[1]. Les tourelles incrustées de mosaïque, les pignons plats, à la façon du Midi, etc., ne sont que des formes bâtardes ; mais l’exécution sûre et délicate du détail, la richesse de la matière, le sens monumental et l’amour avec lequel le tout est achevé, donnent à ces ouvrages une valeur considérable. Le trône archiépiscopal de la cathédrale [e] de Naples, qui servait peut-être primitivement de tabernacle d’autel est d’un gothique plus vivant et d’une exécution plastique plus riche (colonnes torses avec feuillage dans les cannelures).

Dans la haute Italie, le tabernacle d’autel isolé, à quatre faces, cède déjà la place çà et là à l’autel du Nord, c’est-à-dire une paroi avec simple, double ou triple rangée de niches pour statuettes (généralement en bois), avec des pyramides ciselées pour couronnement, le tout peint et doré. Parfois ces autels venaient même tout faits du Nord. Plus tard naturellement les grands tableaux d’autel et les groupes de marbre ont paru d’un effet plus riche, et ils ont chassé des autels ces œuvras modestes. Encore du moins faut-il se féliciter que quelques-unes de ces dernières se soient conservées. C’est ainsi que dans la cathédrale [f] de Plaisance un magnifique dessus d’autel a été placé au-dessus du portail principal. Un autre se trouve à S. Petronio [g] à Bologne (quatrième chapelle à gauche).

Dans les chaires célèbres de cette époque, l’élément architectural est généralement subordonné à la sculpture, de même que dans les tombeaux des saints.

Les autres monuments funéraires, qui ont eu tant d’influence sur

  1. Outre le tabernacle de l’église, il y a encore les restes d’un tabernacle plus ancien dans le cloître, par le même Adeodatus.