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MONUMENTS PROFANES : CHÂTEAUX.

des œuvres plus récentes, le château fort [a] de Milan passait au xvie siècle pour la forteresse du monde la plus parfaite ; de l’ancienne construction, il ne s’est conservé que le bas des tours d’angle indestructibles et les murs de l’enceinte intérieure. L’intérieur, dans le style de la première Renaissance, mérite d’être vu (demander la permission à la place) malgré l’état délabré où il se trouve ; un petit pont avec la loggia de Bramante. — Au point de vue pittoresque, et en partie aussi à titre de souvenirs historiques, il faut citer quelques châteaux forts (rocche) de la Romagne et de la Marche d’Ancône : Forli [b], Rimini [c], Pesaro [d], Simigaglia [e] (où César Borgia saisit ses condottieri). — Parmi les châteaux angevins du royaume de Naples, le premier rang appartient au colossal Castel Nuovo [f] de la capitale (commencé, croit-on, sous Charles d’Anjou, d’après un plan de Giovanni Pisano). Les solides murailles et les tours [g] de Naples, du Carmine jusqu’au delà de la Porta Capuana, ne remontent qu’au temps de Ferdinand Ier d’Aragon (1484). — Quant aux portes de Florence, voy. p. 74 A. — Les tours étaient les signes distinctifs des demeures de la noblesse dans les villes ; c’est Pavie [h] qui en a conservé le plus grand nombre ; Florence [i] en a quelques-unes ; Bologne [j] a la Garisenda, célèbre par son inclinaison prononcée, et la Torre degli Asinelli, moins penchée, mais beaucoup plus élevée. (Dans la première, sinon dans les deux, l’inclinaison est intentionnelle.) Bologne a encore quelques autres tours. Le plus grand nombre se trouvent à San Gimignano [k].

Hors de toute comparaison enfin est le château de Ferrare [l] dont l’aspect est le plus beau qu’il y ait en Italie. La couleur de la pierre, les fossés pleins d’eau, les saillants et les retraites de l’architecture, l’état de conservation sans additions qui auraient peut-être défiguré l’édifice, tout s’accorde pour faire de la forteresse de la maison d’Este un monument pittoresque sans égal en ce genre.


Je voudrais faire encore, sur les édifices gothiques profanes en général, une dernière observation qui se rapporte également aux constructions gothiques d’Allemagne. On ne verra l’ordonnance uniformément repartie sur toute une façade que là où l’architecture dispose de grandes ressources ; d’ordinaire le moyen âge se contentait de fragments d’une riche ornementation, distribués sans symétrie le plus souvent sur la surface unie et massive de l’édifice. Et parfois ce sont justement ces monuments qui produisent le plus bel effet. Ils donnent l’impression immédiate de la surabondance ; tandis que les édifices de notre temps, avec ordonnance uniforme, prêtent à penser que les moyens ont souvent fait défaut.



La décoration n’est pas, nous l’avons indiqué, le côté fort de ce style en Italie. Il a déjà été fait mention d’un des ouvrages les plus impor-