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SES PARTICULARITÉS ET SES ÉPOQUES.

fausses. C’est Brunellesco et c’est Alberti qui ont fait faire à la Renaissance les deux premiers pas de géant Bramante, et Raphaël, qui ne saurait être séparé de lui, firent le troisième. Alors, juste un siècle après la venue de Brunellesco, l’art s’affaissa, mais toutes les solutions, les formes et les combinaisons, jusqu’à et y compris Palladio, étaient trouvées. L’influence de Michel-Ange, si puissante qu’elle fut, ne saurait guère être désignée du nom de progrès. Au nombre des œuvres qui font époque, il faut citer : au xve siècle, la Cappella degli Angeli de Brunellesco, les bâtiments et projets du Vatican de Rossellino et d’Alberti, S. Francesco à Rimini, S. Sabastiano et S. Andrea à Mantoue ; – au xvie siècle, les projets du Vatican et l’église de Saint-Pierre, de Bramante ; de ce dernier encore, sa propre maison au Borgo (connue comme la maison de Raphaël), et Bon Palazzo di S. Biagio ; de Raphaël, les plans de la Villa Madama, aussi importants en leur genre que les plans de Bramante pour Saint-Pierre.

Bien souvent ce que nous regardons comme le meilleur bien et le joyau d’un architecte n’est que le reflet des œuvres de ces maîtres.

Les monuments qui, de 1500 à 1520, devaient s’élever à Rome sens la direction de Bramante et de Raphaël, sont d’une grandeur et d’une perfection dont il serait difficile de se faire une idée. Le critique, capable de reconnaître dans les monuments de la Grèce et du moyen âge l’organisme qui leur est propre, avouera que l’idéal poursuivi par ces maîtres, par un Fra Giocondo, et par un Léonard de Vinci, est tout aussi légitime. Les Grecs auraient été les premiers à modifier leurs formes pour les adapter à des problèmes nouveaux. Quant aux architectes auxquels incombe la construction des monuments de notre temps, ils feront bien de ne pas abandonner la voie ouverte par Bramante en 1505 dans ses plans de Saint-Pierre. Qu’ils recherchent et étudient à fond les projets de cette époque, on ne saurait assez le leur conseiller. Ils ne tarderont pas à s’apercevoir qu’il n’y a peut-être pas, aujourd’hui encore, de style moins connu que la Renaissance italienne au temps de sa plus belle floraison. — On peut lui reprocher parfois, au moins en apparence, certain manque de sévérité. Commençons cependant par prendre à ce style sa sévérité même, avant d’imiter le jeu de sa grâce décorative. Réfléchissons surtout à son respect pour les matériaux dont il se sert la simple pierre de taille y a une expression de force vraiment originale ; le marbre, le bronze, le bois, le stuc, y ont une manière distincte d’exprimer la richesse ; enfin la peinture elle-même y garde tout son domaine propre. Notez de plus qu’aucune matière n’y essaie de passer pour ce qu’elle n’est pas. Vous ne trouverez, avant le milieu du xvie siècle, nulle imitation de bossages à l’aide de mortier ; au beau temps de la Renaissance, qui ne peut bâtir qu’en mortier, elle l’avoue, et borne aux corniches et à l’encadrement des fenêtres l’emploi de la pierre travaillée. De bonne heure, il est vrai, il y a eu des bossages peints, mais dans un but purement déco-