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RENAISSANCE.

ratif, et nos pas dans le dessein de faire illusion (un exemple très ancien du XIVe siècle, peut-être, au Pal. Conte Bardi [a] à Florence, via del Fosso, no 3). Le procédé est aussi très différent du badigeon trompe-l’œil de nos maisons modernes (avec ombres portées).


Les architectes florentins eux-mêmes se montrent parfois embarrassés. À leurs angles de voûtes, par exemple, s’il était besoin d’une forme spéciale, il fallait un pilier en saillie, sur lequel eussent reposé les archivoltes des deux côtés pour supporter la voûte ou, tout au moins, un pilastre d’angle. Tout au contraire, les architectes eurent souvent recours à un moyen terme, qui était de faire saillir de l’angle le rebord très étroit d’un pilastre avec quelques restes d’un chapiteau. Quant au revêtement extérieur des églises, à part la façade, ce n’est que plus tard qu’on le comprit. Les profils ont gardé longtemps un caractère arbitraire et si la vérité et la beauté ont été atteintes, c’est par instinct plus que par système. Le système des corniches surtout présente des hésitations incroyables. Les édifices de Venise, malgré leur riche éclat, trahissent parfois d’une façon surprenante le manque d’idées organiques. Le sentiment des belles proportions des surfaces entre elles, des beaux contrastes entre leurs revêtements (à l’aide de bossages, de pilastres, etc.), cède trop souvent à la simple élégance d’un encadrement qui entoure les quatre côtés du même profil gracieux et n’a d’autre souci tel est le cas, par exemple, pour nombre d’architectures de la haute Italie.

Après tout ce qui a été dit sur l’organisme de ce style au temps de sa plus belle floraison, on ne saurait nier qu’en mainte circonstance, à défaut même d’organisme, ce style ne fasse honorable figure. C’est un avis donné à nos architectes modernes, et une preuve qu’en architecture l’organisme ne suffit pas, tant s’en faut, pour atteindre la beauté. Les formes n’expriment que superficiellement et souvent même par accident les fonctions auxquelles doivent servir les différentes parties de l’édifies. Si, en architecture, on ne voit la beauté que dans les formes strictement organiques, il n’y a rien à attendre de l’Italie sauf les temples de Pœstum, car c’est la patrie des styles secondaires, dérivés, et par là même peu organiques. Mais je crois qu’il existe une beauté architecturale en dehors même de l’organisme strict du détail, pourvu que ce dernier ne soit pas en contradiction avec ses fonctions mêmes. Partout où il y a un charme pour l’œil il y a aussi un élément de beauté ; mais il est clair qu’outre la beauté stricte des formes, certaine distribution des espaces, aussi bien en plan qu’en surface de murs, peut avoir un charme semblable, pourvu encore qu’il n’y ait pas de contradiction dans les formes de détail. Je dirai plus : certaines solutions de problèmes artistiques, certains éléments de beauté, ne se rencontrent pas et ne sauraient se rencontrer dans les deux styles qui, seuls, soient proprement organiques, le style grec et le gothique du Nord. Ce que la Renaissance, par contre, la pre-