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PREMIÈRE RENAISSANCE.

Enfin Brunellesco conçut et commença le Palazzo Pitti [a], dont la largeur en façade n’était que de sept fenêtres (exécuté par L. Fancelli ; la cour est d’Ammanato, les avant-corps sont modernes ; la distribution de l’intérieur est, en général, plus récente que la façade). Ce palais l’emporte sur toutes les architectures profanes du monde, meme plus grandes, par une impression unique de sublime. Sa position sur un terrain en pente et ses dimensions vraiment considérables favorisent cet effet, lequel, en réalité, repose essentiellement sur le rapport entre les dimensions mêmes et la constance relative des formes qui se répètent. On se demande quel génie puissant et dédaigneux, avec de telles ressources, a pu éviter ainsi tout ce qui n’était que joli et agréable à l’œil ? — La seule grande variation, à savoir cette restriction de l’étage supérieur destiné à n’occuper que le centre du palais, est déjà d’un effet colossal ; il semble que la distribution de ces masses ait été faite par des êtres surhumains. (Comparez, par exemple, la façade considérablement plus grande du palais de Caserte, entre Capone et Naples, par Vanvitelli.)

Brunellesco s’entendait aussi aux architectures délicatement ornées, comme le démontre le Palazzo Quaratesi [b] (autrefois Pazzi, via del Proconsole, no 10). Les fenêtres de la façade, et de la cour (malheureusement murée aujourd’hui) qui reposait sur des portiques, ont un cadre de feuillage, les écoinçons des arcs sont ornés de médaillons avec têtes antiques ; il n’y a de bossages qu’à l’étage inférieur. Les chapiteaux de la cour portent des candélabres et des dauphins, ces derniers par allusion aux armes des Pazzi.

Parmi les chapiteaux antiques, Brunellesco a de préférence imité les formes plus simples des ordres corinthien et composite, mais en les transformant d’une façon originale. Pour les étages supérieurs, il employait des chapiteaux ioniques imités, il est vrai, de modèles romains assez médiocres, et eux-mêmes fort mal compris. Brunellesco n’avait qu’une idée trés défectueuse du chapiteau corinthien vrai ; il développait, par exemple, les volutes du milieu autant que celles des angles (Cappella Pazzi, Maison des enfants trouvés, et même S. Lorenzo)[1].




Le Florentin Michelozzo (1391-1472) continua ce que Brunellesco avait commencé : ses innovations ne furent pas celles d’un génie qui fraye de nouvelles routes à l’art ; pourtant il eut l’intelligence et l’habileté de trouver toujours une solution en harmonie avec les ressources dont il disposait. Il construisit le puissant Palazzo Riccardi [c] (alors Medici), et c’est là que pour la première fois on vit graduer les bossages, d’après les

  1. Le polygone commencé près des Angeli (convent des Camaldules) [d] à Florence est resté à l’état de ruine informe ; on y voit la forme défectueuse des angles relevée au Baptistère.