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ŒUVRES DÉCORATIVES : VENISE.

donne à la statue, qui n’est pas le moins du monde d’une taille colossale, une élévation extraordinaire, sans cependant distraire le regard vers ses mérites propres. En revanche, le harnachement du cheval et l’armure du cavalier sont d’une décoration beaucoup trop finement ornée et trop uniforme pour l’impression de puissance de l’ensemble. De Leopardo encore, les trois piédestaux de bronze [a], en forme de candélabres, pour les porte-étendard de la place Saint-Marc, œuvre célèbre, où se marient une composition heureuse et le travail exquis du détail (1501-1505). L’ornementation de la chapelle Zeno à Saint-Marc (1515) [b] est peut-être d’une autre main, à l’exception pourtant du piédestal de la Madonna, qui ne serait pas indigne de Leopardo.

Au Palais des Doges [c], la Sala de’ Busti et la Camera a letto contiennent encore de belles cheminés de marbre, pour lesquelles Ant. et T. Lombardi reçurent en 1507, la somme considérable de 235 ducats ; au-dessus de colonnettes torses et de consoles, une frise trop lourde (double), et dans le haut des adjonctions plus récentes.

Pour tout le reste, il n’y a pas d’attributions précises, ou du moins sûres, jusqu’à ce que commence, avec Guglielmo Ergamasco et J. Sansovino, une série d’œuvres pour lesquelles nous avons des documents plus exacts, bien que le mérite décoratif en soit un peu inférieur.

Les fontaines, à Venise, n’étant que des margelles de citernes, prêtaient peu à la décoration. Aussi n’affectent-elles pour la plupart, que la forme de grands chapiteaux. Les deux fontaines de la cour du Palais des Doges [d], pourtant, devaient être mises en harmonie avec l’entourage ; mais cette intention n’a été réalisée qu’au début du style baroque (1556-1559, par Conti et Alberghetti). L’une est une œuvre exquise, d’une grande richesse et d’une grande fantaisie, dans la manière de Benvenuto Cellini, avec un heureux mélange d’ornementation et de figures. — Parmi les fontaines de sacristies, celle des Frari [e] a une bonne frise de marbre. — Une autre excellente d’un goût simple, est encastrée dans le portique de l’Académie [f].

Parmi les autels, les deux autels de Pietro Lombardo, dans le transept de Saint-Marc [g], sont ce qu’il y a de plus orné en fait de décoration ; la forme, en même temps, en est très heureuse.

Dans les tombeaux, le sarcophage est souvent orné de beaux rinceaux (tombeau Soriano à S. Stefano) [h] ; au contraire, les arabesques du cadre architectonique, comme nous l’avons remarqué, ne sont guère, à partir du seizième siècle, que d’un mérite médiocre. Le cadre même est un grand échafaudage d’architecture, fort bien conçu dans le style de la Renaissance primitive ; peut-être même y a-t-il, en des monuments comme les tombeaux des doges dans le chœur de S. Giovanni e Paolo (Vendramin [i], 1478, par Aless. Leopardo), et dans le chœur de S. Maria de’ Frari (Tron [j], 1472 par les RizziI), plus d’harmonie que dans les façades d’églises du même style, auxquelles manquent l’organisme et la