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ŒUVRES DÉCORATIVES : LOGES DU VATICAN.

truments de fer pour détacher des murailles et des piliers les stucs de Giovanni da Udine. — Les grandes gravures coloriées, qu’on trouve encore dans le commerce, sont sans doute d’un secours précieux, mais elles ne rendent qu’imparfaitement le dessin du détail et l’impression de l’ensemble[1].

Il sera plus bas question des tableaux. Pour l’exécution des parties décoratives, Raphaël eut surtout recours à Giovanni da Udine, déjà nommé, peintre de l’école vénitienne. Quelles instructions ont été données à ce dernier, quelle part a été laissée à son initiative propre, c’est ce que nous ignorons. Raphaël était alors surchagé de commandes. Et cependant, de même que l’ordonnance de l’ensemble, les dessins de certains détails doivent aussi être de sa main. Mais on ne pourra jamais déterminer exactement ce qui lui appartient[2]. À voir ces milliers de motifs, tous inspirés du même esprit, exprimés à l’aide de la matière la plus appropriée, et posés à leur vraie place, on se demande toujours quelle union intellectuelle devait exister entre Raphaël et ses collaborateurs. C’est en vain qu’on observerait dans les autres écoles quelque chose de pareil. On ne peut même pas dire que le maître renvoyait ses élèves aux fragments antiques analogues, ou aux Thermes de Titus. Quel que soit le nombre des figures, des groupes, des détails décoratifs empruntés à ces ruines, l’ensemble de la composition pourtant reste neuf et original. Et d’ailleurs, ce qu’il y a précisément d’essentiel, les montants des pilastres ne se trouvent pas dans le modèle antique, ou du moins, s’y présentent tout autrement.

Le grand secret qui a fondu en un tout si harmonieux l’infinité des détails a été ici l’organisme et la gradatio. Les pilastres, secondaires ou principaux, les arcs, les bandeaux, les corniches peuvent avoir, chacun en leur genre, un système particulier d’ornementation : l’architecture reste toujours la maîtresse et domine l’ensemble. Un espace restait libre des deux côtés des fenêtres : l’artiste les suppose transparents, et, sur un fond bleu de ciel, se détachent des guirlandes de fruits d’une beauté inimitable, où le style décoratif le plus pur s’unit à la plus belle réalité, sans recherche d’illusions optiques que l’œil d’ailleurs ne réclame pas. À l’intérieur des coupoles carrées, l’entourage des quatre tableaux que chacune renferme est libre et varié, comme il convient à une succession d’espaces séparés.

Une analyse complète tiendrait un volume. Comment s’accordent (où s’accordaient) ici le stuc et la peinture, la figure et l’ornement, les couleurs des objets et celles des fonds, ce sont des détails que l’œil seul

  1. Dans ses gravures, les arabesques bordant les tapisseries ont été représentées comme ornements des piliers.
  2. D’après Vasari, tous les dessins seraient de Raphael ; parmi les artistes exécutants, le meilleur aurait été Perin del Vaga.