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PEINTURE DU MOYEN ÂGE.

taine, sont d’un travail grossier, mais elles offrent de l’intérêt par la description qu’elles donnent de scènes contemporaines. Entre temps la nouvelle école était déjà devenue assez forte pour s’essayer dans la mosaïque monumentale. La première œuvre du style roman en Italie (1139-1158) est à S. Maria in Trastevere [a] dans la demi-coupole de l’abside et sur l’arc triomphal : malgré la barbarie des formes, on a plaisir à saluer les motifs nouveaux, et les débuts de la vie individuelle dans l’art. La mosaïque représente le Christ et la Vierge sur le même trône : le Christ appuie le bras sur l’épaule de sa mère ; — la pose même et le sujet déjà ne sont plus byzantins… Au même temps appartient la Vierge, sur la façade, entourée des vierges sages et des vierges folles [b] : travail d’une glande raideur. (Quant aux mosaïques plus récentes de l’abside, voir plus bas.) La mosaïque du chœur de S. Clemente [c] (avant 1150) est de même, au moins pour les figures, tout à fait romane ; la bordure de la demi—coupole reproduit la magnifique ornementation du Latran (comp. à l’Architecture), sauf la différence des couleurs et l’addition de beaucoup de petites figures. — La mosaïque de la niche de S. Francesca Romana [d], au contraire, n’est qu’une simple répétition des types anciens ; l’exécution, de plus, est négligée et sans le moindre style,

Soit à cause des circonstances historiques, soit parce que l’artiste attendu n’était pas encore venu, cette nouvelle tendance de l’art romain resta quelque temps sans conséquences importantes. Le seul progrès d’art qui se rattache aux temps d’Innocent III et de ses successeurs immédiats, nous l’avons signalé au chapitre de l’Architecture, se sont les œuvres des Cosmates (sur la mosaïque des Cosmates, v. p. 507 et suiv.) Quant à la peinture, elle n’avance pas. — La mosaïque de la façade de la cathédrale [e] de Spoleto, exécutée en 1207 par un certain peintre Solsternus, a du moins de la liberté et de la dignité, surtout dans l’expression de la Vierge et de saint Jean ; le Christ a repris cet air de jeunesse qui, dans l’art byzantin, avait dû céder la place à une figure de « vieillard[1].

La lutte entre les deux styles eut, selon les diverses contrées, un cours très différent. — À Venise, comme nous l’avons vu, le style roman fit une entrée brillante dans un certain nombre de mosaïques. — À Parme, le Baptistère [f] présente dans l’ensemble de ses fresques (excepté celles du bas, qui sont des œuvres insignifiantes de l’école de Giotto) un des monuments les plus importants du style roman. Exécutées par différents artistes, dans la première moitié du xiiie siècle, ces fresques, surtout dans les scènes représentées au bord de la coupole ont la hâte et le mouvement, l’attitude passionnée, propres alors à ce style, incapable encore de rendre l’expression d’une physionomie. — On

  1. La grande mosaïque de la niche de Saint Paul (à partir de 1206) paraît une réparation de l’ancienne mosaïque du Ve siècle. Les mosaïques au—dessus de la niche, et, en face, sur l’arc triomphal, côté du transept, sont des œuvres du xive siècle (v. plus bas).