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FRESQUES DE PARME.

trouve quelques figures de saints à la fresque, généralement assez calmes, et avec un mélange des deux styles : sur la façade de la cathédrale [a] de Reggio (xiie et xiiie siècle) : sur les murs de S. Zeno [b] à Vérone (xiie siècle ; elles percent à travers des peintures à demi détruites du xive siècle ; au premier étage du campanile, il y a des restes de peintures murales, à sujets profanes, assez intéressantes, probablement un cortège) ; — dans le porche de S. Ambrogio [c] à Milan (de différentes dates), etc., etc. — À Subiaco, le Sacro Speco [d], dont l’intérieur pittoresque a un charme si particulier, contient quelques peintures murales du xiie et xiiie siècle, avec le nom des artistes, d’une grande naïveté d’invention. Il y a là, croit-on, un portrait authentique de Saint François (le jeune Moine sans stigmates, dans la chapelle S. Gregorio, à droite de l’entrée) ; il est vai qu’il a déjà subi plusieurs repeints. — Dans la Basse-Italie, il y a des peintures du xie siècle dans une abbaye, près de Majori [e], entre Salerne et Amalfi ; à Scala [f] au-dessus d’Amalfi, etc., etc.

Avant d’aborder la Toscane, résumons cette période de l’art, telle qu’elle a dû se developper. Nnus y voyons, à côté du style hiératique et ritualiste de Byzance, un art jeune qui aurait beaucoup à dire, mais qui n’a encore de l’expression qu’une maîtrise très restreinte. Il n’est pas encere orienté vers la beauté et la grâce, mais il ne se croit pas tenu d’être ascétique et morose ; presque sans y penser, il donne à ses figures la forme de la jeunesse. Il n’attribue pas davantage une sainteté particulière à la série byzantine des attitudes ou des motifs de draperie, ni aux types déterminés de l’histoire sacrée. Il s’abandonne à ses propres inspirations, et de lui-même il crée des attitudes plus naturelles, des draperies plus libres et plus flottantes, une vie plus prompte et plus agile. Il s’essaie à telle ou telle paroi d’église avec trois ou quatre couleurs à la colle. Quant aux mosaïstes qui tenaient leur technique et le style byzantin pour inséparables, ils s’aperçoivent un jour que le style nouveau s’est emparé d’une des églises patriarcales de Rome, et qu’il aborde, lui aussi, la mosaïque. À partir de ce moment, la lutte commence. Les Byzantins affirment de tout leur pouvoir leur canon et leur programme, ou bien ils apprennent le nouveau style, le mêlent au leur, et cherchent à lui ravir sa vraie et hardie physionomie. Le nouveau style apparaît dans les œuvres déjà mentionnées de Rome et de Venise ; mais le byzantinisme se maintient à côté, soit dans sa forme rude et absolue, soit au prix de quelques concessions. La chute complète ne date que de l’école de Giotto. Ce qui donna à ce style une si longue durée, ce fut surtout son alliance avec le genre réputé le plus élevé et le plus sacré dentela peinture, la mosaïque. Mais le jour où la mosaïque, sans disparaître, cessa du moins d’être prépondérante, lorsque l’Italie entière fut en état de se passionner pour la fresque, — ce fut l’arrêt de mort du style byzantin sur le sol italien.