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TOSCANE. — CIMABUE.

et d’une majesté vraiment nouvelles. Les bandes concentriques, avec scènes de la Bible et chœurs d’anges, qui occupent le reste de la coupole, portent la trace de quatre à cinq mains différentes. Certaines parties, purement byzantines, peuvent être attribuées au Grec Apollonius, qui, selon Vasari, serait venu de Venise. D’autres sont romanes et rappellent le Baptistère de Parme. D’autres enfin présentent un mélange des deux styles. (La plupart ont, à la suite des restaurations, perdu leur caractère primitif.) La peinture en mosaïque, d’ailleurs, apprend ici à se mettre au service de l’architecture pour les frises, les balustrades, etc, etc.

C’est à l’époque de crise dont le Baptistère reste le monument impérissable que se place la jeunesse du Florentin Cimabue (1240 (?) — jusqu’après 1302). Avec lui, moins qu’avec tout autre, il ne saurait être question de la lutte contre l’art byzantin. Dans sa dernière œuvre encore, le mosaïque du Christ entre saint Jean-Baptiste et la Vierge (elle n’est pas de la main de Cimabue) qui se trouve dans la demi-coupole du chœur de la cathédrale [a] de Pise, l’artiste se rattache presque entièrement à le manière traditionnelle de Byzance. Mais, dans ces limites, il y a déjà un commencement de vie et de beauté. Les deux grandes Madones de Cimabue ont fait époque dans l’histoire de l’art chrétien. L’une, qui est aujourd’hui à l’Académie [b] de Florence (1re salle, no 2), sans égaler dans la liberté et l’habileté des figures principales l’œuvre de Guido da Siena, prouve cependant, surtout dans les têtes d’anges, que le maître avait déjà une claire conscience des causes et des éléments de la grâce humaine. L’autre, à S. Maria Novella [c] (chapelle Rucellai), est incomparablement plus belle et plus dégagée ; il y a là déjà un sens de la nature auquel ne saurait plus sufiîre une convention, un cercle déterminé de traditions. Au premier regard jeté sur ce grand tableau, on devine l’influence toute-puissante qu’il a dû, comme une apparition d’en haut, exercer sur les contemporains. Aujourd’hui encore l’œil le moins préparé et le moins initié n’y trouve rien qui le choque, et il n’y a guère, parmi les œuvres plus modernes, de tableau d’autel qui puisse l’égaler pour l’impression du sublime, pour le mélange saisissant d’élévation et de grâce. — Cimabue toutefois n’a vraiment révélé toute sa puissance que dans les fresques de S. Francesco à Assise. Elles sont malheureusement très endommagées, et chacune d’elles veut être complétée et comme reconstituée par un effort d’imagination, D’après les recherches consciencieuses de Crowe et de Cavalcaselle, ces peintures murales d’Assise placent sous nos yeux une série ininterrompue où il nous est permis de suivre le développement de l’art depuis las prédecesseurs immédiats de Cimabue jusqu’à Giotto. Ces deux historiens distinguent les groupes suivants : 1o la nef centrale de l’église inférieure [d] : Vie du Christ et de saint François (Vasari attribue faussement à Cimabue cette série qui doit être d’un artiste assez grossier, le maître de S. Piero di