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PEINTURE DU MOYEN ÂGE.

En Toscane, au début du xiiie siècle, au moment de la plus grande prospérité de ce pays (Pise exceptée), le style byzantin était encore incontestablement le maître. Le mérite des peintres toscans de la période suivante, par laquelle, autrefois, sur le modèle de Vasari, commençait l’histoire de l’art, fut non pas de détruire ce style, mais de lui donner une vie nouvelle. C’est au sein de la manière byzantine que l’art croît, peu à peu, à la liberté, à la beauté et à la vie, jusqu’à ce qu’enfin l’enveloppe tombe.

L’importance de Sienne dans l’histoire de l’art primitif, même si la grande Madone de Guido da Siena à S. Domenico [a] (deuxième chapelle à gauche du chœur) était vraiment de 1221, ne saurait guère être appréciée, parce qu’évidemment les têtes de la Madone et de l’Enfant ont été entièrement repeintes vers 1330. Ce commencement de grâce, ce sentiment de la ligne, surtout dans l’attitude de l’Enfant Jésus, cette vie dans le dessin, ne seraient un mérite qu’a la première date du xiie siècle, en face du byzantinisme triomphant, tel qu’il apparaît dans les œuvres les plus anciennes de l’Académie [b] à Sienne. — Les tableaux du même temps, soit dans les églises, suit à l’Àcadémie, sont très inférieurs à la Madone de Guido. Dans les reliures peintes des livres de comptes du xiiie siècle à l’Académie [c], il y a des œuvres signées de noms d’auteurs dont le mérite n’est de même que purement local.

À Arezzo et à Pise, les premiers représentants de la réforme, cités par Vssari, Margaritone d’Arezzo (né vers 1236) et Giunta da Pisa, n’ont guère plus d’importance dans l’histoire de l’art. — Le repoussant Christ en croix de Giunta à S. Ranieri e Leonardo [d], et les peintures contemporaines, extrêmement faibles, de S. Piero in Grado [e], à une demi-lieue de Pise, vers la mer, prouvent que le grand sculpteur Niccolò Pisano (p. 516) n’a trouvé dans la peinture de ses prédécesseurs immédiats ni un encouragement ni un modèle. — Quant aux travaux attrbués à Giunta à S. Francesco d’Assisi, nous en parlerons plus bas.

À Florence, la décoration du Baptistère [f] fut l’œuvre principale de la première moitié du xiiie siècle, et des années qui suivirent. La niche du chœur, revêtue de mosaïques à partir de 1225 par le moine Jacobus. contient une innovation très importante : des figures agenouillées sur des chapiteaux corinthiens servant à supporter la mosaïque centrale. C’est une idée purement artistique, et l’une des premières qui s’offrent à nous en ce genre : ces cariatides, en supposant qu’elles puissent avoir de plus un sens symbolique, ont cependant pour fonction principale de mieux accuser le dessin de la coupole. L’art byzantin, au service exclusif de la pensée et du symbole, n’aurait jamais eu un pareil souci. Nous avons là vraiment les ancêtres des cariatides et des figures de Michel-Ange au plafond de la Sixtine. Le grand Christ de la coupole est, d’après Vasari, l’œuvre du Florentin Andrea Tafi (né après 1250 † après 1320) ; c’est, dans la limite du dessin byzantin, une figure très importante, d’une vie