Page:Burckhardt - Le Cicerone, 2e partie, trad. Gérard, 1892.djvu/745

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initiés. L’exécution, extrêmement brillante, est du bas jusqu’en haut d’une finesse de miniature, et pour s’en rendre compte il faut une échelle volante. La moitié de ces fresques malheureusement a disparu. L’exécution de la paroi nord-est trahit plusieurs mains : les meilleures parties, celles qui révèlent surtout l’influence de P. della Francesca, ce sont les représentations des mois de mars, d’avril et de mai, par Cossa, dont la manière se reconnaît au premier regard.

Cosimo Tura, dit Cosmè (1420 à peu près, jusque vers 1498), qui, à partir de 1458, fut le peintre de la cour des ducs d’Este, se reconnaît clairement dans les peintures de la paroi gauche (à commencer par l’entrée). La cathédrale [a] de Ferrare possède en outre de lui deux grands tableaux, jadis panneaux d’orgue, représentant l’Annonciation et Saint Georges (1469). Je citerai encore : à la Pinacothèque [b], deux petits tableaux ovales (nos 26 et 27) ; dans la Galerie [c] de Bergame, une petite Madone ; à Venise, au Musée Correr [d], une Pietà, et chez Sir Henry Layard [e], la figure du Printemps sur un trône fantastique ; à Florence enfin, au Pal. Panciatichi [F], deux petits tableaux de Saints qui portent le nom de Mantegna. En regard des élèves de Squarcione cités plus haut, Tura a plus de fraîcheur et de vie dans le coloris, plus d’imagination et de richesse dans les détails d’architecture et de décoration.

De même que Tura, les autres Ferrarais du xve siècle subissent tous l’influence mixte de Padoue et de P. della Francesca. Ils ne sauraient se mesurer avec les Florentins ; car ils n’ont pas le mouvement de l’action dramatique, et le sens même de l’espace est chez eux très imparfaitement développé. Mais le sérieux du réalisme, la décision des formes, l’excellence du modelé, l’éclat du coloris, le clair-obscur qu’ils obtiennent même dans des peintures en détrempe, prêtent à leurs œuvres un mérite durable.

Stefano da Ferrara († vers 1500) a de grandes analogies avec Tura, mais il lui est supérieur, à en juger par le seul tableau qui lui soit attribué avec quelque vraisemblance, une Madone trônant entre quatre Saints, à la Brera [G] (no 179). Ses figures de femmes surtout ont plus d’ampleur et de caractère que celles de Tura ; avec le même goût du détail, la même richesse de coloris, il a plus de calme dans l’attitude et la draperie, une lumière plus fine et une tonalité de couleurs plus chaude.

Lorenzo Costa (1460-1535), formé à Ferrare sous l’influence des artistes précédents, avec qui il avait encore collaboré peut-être aux travaux de Palais Schifanoja, vint de bonne heure à Bologne. C’est dans cette ville que se trouvent ses œuvres principales, et c’est là que se produisit entre Francesco Francia et lui un merveilleux échange d’impressions et d’influences. Dans ces relations, la part apportée par Costa était un réalisme sordide et une science beaucoup plus avancée que celle de Francia ; Costa, en revanche, s’inclinait devant le sentiment de la beauté de Francia, et l’expression donnée par ce dernier à l’âme même. Costa