Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/174

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un certain plaisir dans sa conversation méchante et sarcastique, qui n’épargnait personne. Tant que sa santé le lui avait permis, il avait parcouru le monde, allant sans cesse d’un lieu à un autre, cherchant à s’amuser, mais n’y parvenant pas toujours. Quand les ans et la maladie furent venus, il s’enferma à Dorincourt, en compagnie de ses journaux et de sa goutte ; mais il ne pouvait pas lire toujours, sans désemparer, et il devint de plus en plus « excédé de la vie », comme il disait. Les nuits étaient pour lui aussi fatigantes que les jours. Son caractère s’aigrit de plus en plus. Quand Cédric apparut, par bonheur pour lui, l’orgueil de son grand-père se trouva flatté par les grâces de son extérieur ; s’il en eût été autrement, l’enfant n’aurait peut-être pas eu l’occasion de montrer les qualités de son cœur ou de son esprit : car le vieux comte eût commencé par le prendre en aversion et l’eût tenu dans l’éloignement de sa personne. Mais il lui plut de croire que la beauté dont son petit-fils était doué, aussi bien que le charme de ses manières et la raison précoce qui apparaissait dans ses discours, en dépit de son ignorance de tout ce qui concernait sa nouvelle position, provenaient du noble sang qui coulait dans ses veines, si bien que, sans s’en douter, il commença à aimer cet enfant. Cela l’avait amusé de remettre en son pouvoir le sort de Hugues. Il ne se souciait pas le moins du monde de son fermier ; mais il lui plaisait de penser que son petit-fils pouvait devenir populaire parmi ses tenanciers, et c’était la raison pour laquelle il s’était rendu à l’église ce jour-là. Il voulait voir quel effet produirait son arrivée. Il savait qu’on s’extasierait sur la beauté de ses traits, sur l’élégance et sur la force de ses