Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/257

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presque rendu fou. De plus, la mère de ce nouveau lord n’est pas du tout une dame, comme l’est celle du premier. Elle a un air effronté, des yeux noirs, durs et hardis, et M. Thomas dit qu’aucun « gentleman » portant la livrée ne voudra recevoir des ordres d’elle. Son garçon non plus ne peut pas davantage se comparer à l’autre. Dieu sait ce qui va arriver de tout ceci ; et vous auriez pu me renverser d’une chiquenaude quand Jane m’a apporté ces nouvelles, tant j’étais saisie ! »

Si l’agitation était grande dans le village, elle l’était encore davantage au château. Dans la bibliothèque, le comte et M. Havisam tenaient sans cesse des conciliabules, tandis que dans la salle des domestiques, M. Thomas, le sommelier, les autres valets et servantes faisaient des commérages et poussaient des exclamations tout le long du jour. Il en était de même dans les écuries, où Wilkins ainsi que les cochers et palefreniers se livraient à leur ouvrage ordinaire avec une négligence inaccoutumée, s’interrompant sans cesse pour se faire part de leurs réflexions. Wilkins surtout était très abattu ; cependant il continuait à soigner de son mieux le poney de Cédric, quoique bien attristé à la pensée que peut-être lui et l’animal allaient changer de maître.

« Jamais, disait-il au cocher d’un ton lamentable, jamais je n’enseignerai à monter à un jeune gentleman si bien doué ! un jeune gentleman qui se tenait à cheval comme s’il n’avait fait que cela toute sa vie ; et qui avait tant de cœur, par-dessus le marché ! — Rappelez-vous l’histoire de Hartle le boiteux. — C’était un de ces jeunes gens qu’on est fier de suivre à la promenade. »