Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/269

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sa voix de trembler et ses mains de s’agiter. Pendant un instant on eût pu croire qu’une larme brillait dans ses yeux sombres.

Il reprit :

« Peut-être est-ce parce que je suis malheureux que je suis venu à vous. Jusqu’ici je vous ai haïe ; j’ai été jaloux de l’affection que votre fils avait pour vous. Les événements qui viennent de se passer ont changé ces malveillantes et injustes dispositions. En voyant la misérable créature qui prétend avoir été la femme de mon fils Bévis, je sens que c’est pour moi une consolation, un soulagement, de me tourner vers vous. J’ai agi comme un vieux fou et je vous ai traitée d’une manière indigne. Il y a entre nous un lien qui nous rapproche l’un de l’autre : vous êtes attachée à Cédric, et Cédric est tout pour moi. Je viens à vous simplement parce qu’il vous aime et parce que je l’aime. Ayez pitié de moi, uniquement par amour pour lui. »

En parlant ainsi, il regardait Mme Errol en face ; sa voix était dure, saccadée, mais elle semblait s’échapper si péniblement de ses lèvres que la jeune femme fut touchée au cœur. Elle se leva, et lui avançant un fauteuil près d’elle :

« Asseyez-vous, dit-elle avec douceur et d’un ton sympathique. Vous avez éprouvé une telle émotion de ces incidents, que vous êtes bouleversé et que vos forces s’en sont trouvées affaiblies. »

Il était aussi nouveau pour le vieux lord de s’entendre parler avec cette sollicitude qu’il l’était de s’entendre contredire. Il fit ce qu’on lui disait et se laissa tomber dans le fauteuil qui lui était offert. Peut-être la déception et le malheur avaient-ils été une bonne discipline pour lui. S’il ne s’était pas senti si