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DU BUDDHISME INDIEN.

toutes les intelligences, et qui, par ses perpétuelles répétitions, ne laisse aucune excuse aux esprits les moins attentifs ni aux mémoires les plus rebelles. Cette différence profonde est dans l’essence même du Buddhisme, doctrine dont le prosélytisme est le trait caractéristique ; mais le prosélytisme lui-même n’est qu’un effet de ce sentiment de bienveillance et de charité universelles qui anime le Buddha, et qui est à la fois la cause et le but de la mission qu’il se donne sur la terre.

Il ne faudrait pas croire cependant que ces brèves maximes, si goûtées de l’antiquité, manquent entièrement à l’enseignement de Câkya ; au contraire, on trouve encore dans les Sûtras plusieurs traces de cette exposition sentencieuse qui résume un long développement en quelques mots ou dans une stance concise. Mais ces maximes, que l’on pourrait appeler de véritables Sûtras suivant l’acception brâhmanique de ce terme, sont assez rares dans les Sûtras du Népâl, et il faut les y chercher longtemps au milieu des flots de paroles sous lesquels disparaît quelquefois la pensée. Il est permis de croire que Çâkya ne dut pas s’interdire l’usage de ces sentences, et que le souvenir de l’emploi qu’il en faisait dans son enseignement a favorisé l’application toute spéciale que ses disciples ont faite du terme de Sûtra, en l’étendant à ses prédications morales et philosophiques.

Le titre de la seconde classe, celui de Vinaya, signifie discipline, et l’on rencontre à tout instant dans les textes les diverses formes du radical dont ce mot dérive employées avec le sens de discipliner, convertir. Les Buddhistes chinois entendent ce terme de la même manière, et M. Rémusat le définit ainsi : « les préceptes, les règles, les lois ou les ordonnances, littéralement le « bon gouvernement[1]. » La signification de ce mot ne peut donc faire aucune difficulté ; mais, par une singularité qu’il paraît malaisé de comprendre, à part quelques courts traités relatifs à des pratiques religieuses peu importantes, la collection de M. Hodgson n’offre pas d’ouvrages qui se placent dans la classe du Vinaya, comme elle en possède qui appartiennent à celle des Sûtras. Dans les deux listes que j’ai citées plus haut, le nom de Vinaya ne se présente qu’une seule fois, et encore n’est-il pas employé avec ce caractère de généralité qu’il a dans l’expression de Vinaya piṭaka, « le Recueil de la discipline. » Il figure seulement sur le titre d’un traité philosophique, le Vinaya sûtra, dont j’ai indiqué l’existence tout à l’heure, et duquel il me suffit de dire en ce moment qu’il n’est pas attribué à Çâkyamuni[2]. D’où vient donc que

  1. Foe koue ki, p. 108.
  2. Asiat. Researches, t. XVI, p. 431. Transact. of the Royal Asiat. Soc., t. II, p. 225).