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APPENDICE. — No II.

hommes, Buddha bienheureux. Que le roi témoigne son respect à Bhagavat ; en effet si le roi agit ainsi avec Bhagavat, le calme descendra dans son âme. — Eh bien donc, ami Djîvaka, fais préparer les éléphants et les litières[1]. — Oui, répondit Djîvaka Kômârabhaṇḍa, et ayant fait équiper cinq cents litières portées par des éléphants, et pour le roi le grand éléphant qui lui servait de monture, il revint en avertir le roi, en disant : Les éléphants et les litières sont prêts, ô roi ; le roi peut indiquer le moment de ce qu’il veut faire. Alors le roi Adjâtasattu, fils de Vêdéhî, ayant fait monter les eunuques et les femmes dans ces cinq cents litières portées par des éléphants, et étant monté lui-même sur le grand éléphant qui lui servait de monture, sortit de Râdjagaha, à la lueur des torches qu’on portait devant lui, et il se dirigea avec son grand cortége royal vers le bois des manguiers de Djîvaka Kômârabhaṇḍa.

« Il n’était plus très-éloigné du bois, quand il se sentit atteint d’une terreur divine, frappé de stupeur, et que ses poils se hérissèrent sur tout son corps. Alors Adjâtasattu, troublé, frissonnant, s’adressa ainsi à Djîvaka Kômârabhaṇḍa ; Est-ce que tu m’aurais trompé, ami Djîvaka ? Est-ce que tu m’aurais abusé ? Est-ce que tu me livrerais à mes ennemis ? Comment se fait-il qu’une aussi grande assemblée de Religieux, de treize cent cinquante Religieux, ne fasse pas entendre une seule voix, ne prononce pas une seule parole, pas un seul mot ? — Ne crains rien, grand roi ! Je ne te trompe pas, je ne t’abuse pas, je ne te livre pas à tes ennemis ; avance, grand roi, avance. Où vont les lumières qui sont dans l’espace qu’embrasse cette enceinte[2] ? Alors le roi Adjâtasattu, fils de Vêdêhî, s’êtant avancé sur sa monture tant que le terrain fut praticable pour un char et pour son éléphant, en descendit pour continuer à pied sa marche, et se dirigea vers la porte de l’enceinte ; et quand il y fut arrivé, il s’adressa ainsi à Djîvaka Kômârabanda : Ami Djîvaka, où est donc Bhagavat ? — Voilà, grand roi, Bhagavat ; appuyé sur la colonne du milieu, il est assis la face tournée vers l’Orient, et honoré par l’Assemblée des Religieux. Alors le roi Adjâtasattu, fils de Vêdêhî, se dirigea vers l’endroit où se trouvait Bhagavat, et quand il y fut arrivé, il se tint debout de côté ; puis, de l’endroit où il s’était arrêté, ayant promené ses regards sur l’Assemblée des Religieux, qui gardant un profond silence, ressemblait à un lac parfaitement calme, il prononça avec enthousiasme ces paroles d’admiration : Puisse mon fils Udâyi bhadda le prince royal être doué du calme dont est douée maintenant l’Assemblée des Religieux ! — Es-tu venu, grand roi, (dit Bhagavat,) attiré par un sentiment d’affection ? — Oui, seigneur, Udâyi bhadda le prince royal m’est cher : oui, puisse-t-il être doué du calme dont est douée maintenant l’Assemblée des Religieux ! Ensuite le roi Adjâtasattu, fils de Vêdêhî, ayant salué Bhagavat, ayant dirigé ses mains réunies en signe de respect du côté de l’Assemblée des Religieux, s’assit de côté, et une fois assis, il s’adressa en ces termes à Bhagavat : Pourrais-je, seigneur,

  1. Le texte se sert ici des deux mots hatthiyâna et hatthinika, qui doivent désigner l’espèce de siége à rebords nommé aujourd’hui, d’après les Arabes, Hauda, qu’on fixe sur le dos de l’éléphant, et dans lequel s’assoient les personnes de haut rang qui font usage de ce genre de monture. Le mot litière n’en donne qu’une idée imparfaite ; il faut l’entendre d’ailleurs de litières portées par des éléphants.
  2. Le ministre veut probablement dire que puisque le roi n’aperçoit aucun mouvement dans les lu-