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APPENDICE. — No II.

interroger Bhagavat sur quelques points, si Bhagavat veut bien m’accorder le temps nécessaire pour répondre à mes questions ? — Adresse, grand roi, toutes les questions que tu voudras.

« Comme on voit, seigneur, les divers états où s’exercent des industries distinctes, comme par exemple [f. 14 a] l’art de monter les éléphants, celui de monter à cheval, celui de conduire un char, l’état d’archer, celui de jardinier[1], celui des gens qui recueillent les fruits de l’Âmalaka (Phyllanthus emblica[2]), le métier de bûcheron, celui de chasseur, l’état de Râdjaputta, celui de soldat d’escalade[3], de Mahânâga[4] (de géant), de brave, de soldat couvert d’une cuirasse, celui de fils d’esclave[5], celui de portier, de barbier, de baigneur, de cuisinier, celui de faiseur de guirlandes, de blanchisseur, de domestique, de faiseur de paniers, de potier, celui de calculateur, de devin, comme on voit, dis-je, ces divers états et tant d’autres encore analogues à ceux-là donner dès ce monde-ci à ceux qui les exercent un résultat prévu, qui est de les nourrir, de les rendre heureux et de les satisfaire eux-mêmes, de rendre également heureux et de satisfaire leurs pères et mères, leurs enfants et leurs femmes, leurs amis et leurs conseillers, de leur donner le moyen de présenter aux Samaṇas et aux Brahmanes une offrande dont l’objet est au-dessus [de ce monde[6]], qui a pour objet le ciel, dont le résultat doit être le bonheur, dont le ciel est le but, ainsi, seigneur, est-il donc possible qu’on leur annonce, dès ce monde-ci, un tel résultat comme prévu et comme le fruit général de

    mières, c’est que les Religieux de l’Assemblée sont parfaitement calmes, et qu’il n’a en conséquence aucune trahison à craindre.

  1. Le texte a vêlaka ; mais, en singhalais, on n’est jamais sûr de ces trois lettres v, m et tch.
  2. Voici encore un mot dont je ne suis pas sûr ; le manuscrit, p. 14, lit [â]malakâpiṇḍâ, et p. 16, [â]malakâpiṇḍi ; je suppose que l’â initial est engagé dans la finale de vêlakâ qui précède ; mais, comme je le disais tout à l’heure, l’m, le v et le tch se confondent ici de manière à ne pouvoir être distingués. Comme l’âmalâka donne un fruit dont les Indiens se servent pour tanner le cuir et faire de l’encre, on peut conjecturer que âmalakâpiṇḍâ, ou peut-être mieux, âmalakâpiṇḍi, qui se divise en âmalaka et âpiṇḍi, signifie « ceux qui écrasent les fruits de l’âmalaka ; » âpiṇḍi serait ou une variété dialectique, ou seulement une faute pour âpîḍi.
  3. Je traduis ainsi conjecturalement pakkhandinô.
  4. Ces Mahânâgas ou « grands Nâgas » rappellent les Mahânagnas des légendes du Nord, et en particulier de la légende d’Açôka, où ils paraissent avec le rôle de guerriers qui accomplissent des exploits surnaturels. (Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 363, note 1.) La véritable orthographe de ce nom doit être plutôt nagna (nu) que nâga (serpent boa). Il est possible qu’on ait désigné ainsi des hommes remarquables par leur taille et leur courage, qu’on enrôlait parmi les populations barbares du nord de l’Inde et des contrées limitrophes, et qui combattaient nus. Je n’irais cependant pas jusqu’à identifier ces Nâgas ou Nagnas avec les sauvages Nâgas de l’Assam, quoique ce pays ait pu fournir des soldats aux Râdjas de l’Inde ; mais le mot paraît être ici plutôt une épithète qu’un ethnique. M. J. Taylor a justement remarqué que Ptolémée connaissait les Nâgas, ainsi que le véritable sens de leur nom : Ναγγωλόγαι ὂ σημαίνει γυμνῶν κόσμος. (Ptolémée, Géogr. l. VII, c. 3, p. 177, éd. Mercator.) Ptolémée avait reçu ce nom avec l’orthographe qu’il a en singhalais, ou plus généralement dans quelques dialectes populaires de l’Inde. (J. Taylor, Periplus of the Erythr. Sea, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. XVI, p. 33.) Le mot de Nagna n’est pas inconnu chez les Brâhmanes, et leur ancienne littérature nous a conservé le nom d’un ancien roi du Gandhâra, Nagnadjit, qui pourrait bien signifier « le vainqueur des Nagnas ou hommes nus. » (Roth, Zur Litter. und Geschichte des Weda, p. 41 ; Weber, Ind. Studien, t. I, p. 218.)
  5. Ou de fils de pêcheur.
  6. Le texte dit uddhaggikam̃, littéralement, « dont l’extrémité, le but est en haut. »