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APPENDICE. — No II.

vertu. Voilà de quelle manière, seigneur, Pûrana Kassapa interrogé par moi sur le résultat général et prévu [des actions humaines], m’a donné une réponse vaine. De même que celui auquel on demanderait ce que c’est qu’une mangue, et qui répondrait, C’est le fruit de la citrouille, ou que celui auquel on demanderait ce que c’est que le fruit de la citrouille, et qui répondrait, C’est une mangue, ainsi, seigneur, Pûrana Kassapa interrogé par moi sur le résultat général et prévu [des actions humaines], m’a donné une réponse vaine. Alors, seigneur, cette réflexion me vint à l’esprit : Comment se pourrait-il qu’un prince comme moi songeât à dégrader un Samaṇa ou un Brâhmane [f. 14 b] habitant mes états[1] ? Je n’approuvai, seigneur, pas plus que je ne censurai le discours de Pûrana Kassapa. Ne l’approuvant ni ne le censurant, mais, non satisfait, ne prononçant aucune parole de mécontentement, réprimant même toute parole, ainsi que toute expression de colère, je me levai de mon siége et je partis.

« Il arriva un jour, seigneur, que je me rendis à l’endroit où se trouvait Makkhali Gôsâla[2], et que quand j’y fus arrivé, après avoir échangé avec lui les compliments de la bienveillance et de la civilité, je m’assis de côté, et une fois assis, je m’adressai ainsi à Makkhali Gôsâla. Comme on voit, seigneur Gôsâla, les divers états où s’exercent des industries distinctes, comme par exemple l’art de monter les éléphants, [etc. comme ci-dessus, jusqu’à] comme on voit, dis-je, ces divers états et tant d’autres analogues à ceux-là donner dès ce monde-ci à ceux qui les exercent un résultat prévu, qui est de les nourrir, de les rendre heureux et de les satisfaire eux-mêmes, de rendre également heureux et de satisfaire leurs pères et mères, leurs enfants et leurs femmes, leurs amis et leurs conseillers, de leur donner le moyen de présenter aux Samaṇas et aux Brahmanes une offrande dont l’objet est au-dessus [de ce monde], qui a pour objet le ciel, dont le résultat doit être le bonheur, dont le ciel est le but, ainsi, seigneur Gôsâla, est-il donc possible qu’on leur annonce dès ce monde-ci un tel résultat comme prévu et comme le fruit général de leur conduite ? Cela dit, seigneur, Makkhali Gôsâla me parla ainsi : Il n’y a pas, grand roi, de cause, il n’y a pas de raison à l’imperfection des êtres ; les êtres sont imparfaits sans cause ni raison. Il n’y a pas de cause, il n’y a pas de raison à la pureté des êtres ; les êtres sont purs sans cause ni raison. Il n’y a pas d’action de notre part, il n’y a pas d’action de la part des autres ; il n’y a pas d’action de l’homme[3]. Il n’y a ni force, ni

  1. Voici le texte où paraît une expression qui est déjà connue par un des édits de Piyadasi : Katham̃hi nâma mâdisô samaṇam̃vâ brâhmaṇam̃vâ vidjitê svasantam̃ apasâdétabbâm̃ maññêyya. Le mot vidjitê est certainement le vidjitam̃hi de l’inscription de Girnar. (Journ. of the roy. asiat. Soc. t. XII, p. 165 et 166.)
  2. Cet ascète est Le même que celui qui est cité sous le nom de Maskarin fils de Gôpâli dans les livres du Népal. (Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 162.) La première fois que ce nom paraît au commencement de notre Sutta, il est écrit Gôsâlyê, mais c’est une faute de copiste, pour Gôsâlô ; cette faute ne se représente d’ailleurs plus dans le Sutta.
  3. S’il fallait avoir une confiance entière dans la leçon du manuscrit unique que j’ai sous les yeux, nous trouverions ici une trace curieuse du dialecte Mâgadhî ; voici le texte même : Natthi attakârê ṇatthi parakâré ṇatthi purisakârê ṇatthi balam̃. En coupant les mots comme je viens de le faire, tous les sujets de cette phrase, sauf le dernier, sont des nominatifs en ê ; mais, d’un autre côté, on remarquera que la négation du verbe ṇatthi est écrite avec un cérébral, ce qui semble prouver que le copiste, ne comprenant rien à ce qu’il transcrivait, a cru devoir lire