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APPENDICE. — No II.

énergie, ni grandeur humaine, ni triomphe humain ; tous les êtres, toutes les créatures vivantes, toutes les existences, toutes les vies, malgré elles, privées de force, d’énergie, destinées à une existence à laquelle elles vont inévitablement s’unir, éprouvent de la douleur ou du plaisir dans les six voies distinctes. Or il y a quatorze cent mille cent soixante-six matrices principales ; cent cinq agents ; cent cinq actes ; trois actions et demi-actions ; des situations dans le sein d’une mère autant qu’il y a de Kappas (Kalpas) d’accroissement et de moyens Kappas ; six genres de noblesse ; huit degrés pour l’homme ; quarante-neuf fois cent espèces de moyens d’existence ; quarante-neuf fois cent espèces de mendiants ; quarante-neuf fois cent espèces d’êtres habitant parmi les Nâgas ; vingt fois cent espèces d’êtres de la race des Indras ; trente fois cent enfers ; trente-six êtres dont l’élément est la passion ; sept embryons doués de conscience ; sept embryons privés de conscience ; sept embryons d’ascètes Nigaṇṭhis (Nirgranthin) ; sept de Dêvas, sept d’hommes, sept de Pisâtchas, sept d’Asuras ; sept cents êtres cruels ; sept cent sept chutes ; sept cent sept songes ; il y a enfin quatre-vingt-quatre fois cent mille Mahâkappas que les ignorants et les sages parcourent, à travers lesquels ils transmigrent pour mettre un jour un terme à leurs douleurs[1]. Il n’y a pas lieu dans ce cas de dire : Voici la moralité, voici les pratiques saintes, voici les austérités, voici la conduite religieuse, au moyen desquelles je conduirai à la maturité l’action non encore mûre, et anéantirai en la consumant l’action parvenue à sa maturité. En effet, il n’y a ici-bas ni mesure ni chose mesurée, ni plaisir, ni douleur, ni terme fixe, ni révolution du monde indéfinie ; il n’y a ni diminution, ni augmentation ; il n’y a ni supériorité, ni infériorité. De même qu’une corde roulée en peloton qui est usée, se brise au moment même où on la déroule, ainsi les ignorants et les sages, après avoir achevé leur course, après avoir transmigré, trouveront un jour le terme de leurs douleurs. Voilà de quelle manière, seigneur, Makkhali Gôsâla interrogé par moi sur le résultat général et prévu [des actions humaines], m’a expliqué l’accomplissement définitif de la transmigration. De même que celui auquel on demanderait ce que c’est qu’une mangue, et qui répondrait, C’est le fruit de la citrouille, ou que celui

    en un seul mot et comme un instrumental, kârêṇa, leçon qui ne donne aucun sens. Il est bien vrai qu’en Mâgadhî la négation na s’écrit ṇa, et qu’on peut la retrouver ici ; mais le copiste n’observant pas régulièrement cette orthographe et mettant partout ailleurs na, je doute que ṇa soit ici la négation.

  1. Tout ce morceau, depuis les mots « il y a quatorze cent mille cent soixante-six matrices principales, » est très-difficile, et je crois que le manuscrit est altéré en plus d’un endroit. On voit bien que cette énumération exprime le système propre à Makkhali Gôsâla touchant la transmigration ; mais plusieurs termes sont obscurs, et rien ne donne la raison des nombres choisis. Je vais indiquer les passages du texte que je n’ai pu traduire sans y apporter quelques changements. Le lecteur compétent voudra bien se rappeler que je n’ai qu’un manuscrit à ma disposition. Au commencement mon manuscrit porte : tchuddasa khôpanimâni niyônipamukhasatasahassâni ; je n’ai pu rien faire du ni qui suit imâni, et je n’en ai pas tenu compte. Au lieu de âdjîva, où je vois « moyen d’existence, état, » par opposition à la profession de mendiant qui suit, le texte lit adjîva, ce qui signifierait « absence de vie, êtres sans vie. » À partir des mots « sept embryons doués de conscience, » jusqu’à « sept cent sept songes, » il faut peut-être ajouter le mot cent, qui ne se trouverait, selon cette supposition, exprimé qu’après le dernier terme. Au lieu de satasarâ, dont je ne puis rien faire, je lis sattasurâ, à cause du contexte. C’est conjecturalement que je traduis satta paṭuvâsatâni par « sept cents êtres cruels. »