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APPENDICE. — No II.

auquel on demanderait ce que c’est que le fruit de la citrouille, et qui répondrait, C’est une mangue, ainsi, seigneur, Makkhali Gôsâla interrogé par moi sur le résultat général et prévu [des actions humaines], m’a expliqué l’accomplissement définitif de la transmigration. Alors, seigneur, cette réflexion me vint à l’esprit, [etc. comme ci-dessus, jusqu’à] je me levai de mon siège et je partis.

« Il arriva un jour, seigneur, que je me rendis à l’endroit où se trouvait Adjita Kêsakambali, et que quand j’y fus arrivé, après avoir échangé avec lui les compliments de la bienveillance et de la civilité, je m’assis de côté, et une fois assis, je m’adressai ainsi à Adjita Kêsakambali[1] : Comme on voit, seigneur Adjita, les divers états où s’exercent des industries distinctes [f. 15 a], comme par exemple l’art de monter les éléphants, [etc. comme ci-dessus, jusqu’à] comme on voit, dis-je, ces divers états et tant d’autres analogues à ceux-là donner dès ce monde-ci à ceux qui les exercent un résultat prévu, qui est de les nourrir, de les rendre heureux et de les satisfaire eux-mêmes, de rendre également heureux et de satisfaire leurs pères et mères, leurs enfants et leurs femmes, leurs amis et leurs conseillers, de leur donner le moyen de présenter aux Samaṇas et aux Brahmanes une offrande dont l’objet est au-dessus [de ce monde], qui a pour objet le ciel, dont le résultat doit être le bonheur, dont le ciel est le but ; ainsi, seigneur Adjita, est-il donc possible qu’on leur annonce dès ce monde-ci un tel résultat comme prévu et comme le fruit général de leur conduite ? Cela dit, seigneur, Adjita Kêsakambali me parla ainsi : Il n’y a, grand roi, ni aumône, ni sacrifice, ni offrande jetée dans le feu ; il n’y a pas de résultat, de fruit des bonnes ou des mauvaises actions ; ce monde-ci n’existe pas, le monde futur n’existe pas davantage, il n’y a ni mère, ni père ; il n’y a pas d’êtres qui soient le produit d’une naissance surnaturelle ; il n’y a en ce monde ni Samaṇas ni Brahmanes arrivés parfaitement à leur but complet, qui après avoir reconnu d’eux-mêmes, après avoir vu face à face ce monde-ci et l’autre monde, les pénètrent entièrement. Quand l’homme, ce composé des quatre grands éléments, a fait son temps, la terre retourne, se rend dans la masse de la terre, l’eau retourne, se rend dans la masse de l’eau, le feu retourne, se rend dans la masse du feu, le vent retourne, se rend dans la masse du vent, les organes des sens remontent dans l’éther ; quatre hommes avec la bière, ce qui fait cinq, s’en vont, emportant le mort, aussi loin que l’ordonnent les stances sur le brûlement des cadavres ; les os deviennent d’un blanc sale ; les offrandes des vivants périssent dans les cendres de leur bûcher ; ce qu’il leur a été enjoint de donner, c’est-à-dire leur aumône, est pour eux une chose vaine, un mensonge, une déception. Ceux qui soutiennent l’opinion qu’il existe quelque chose, ignorants et sages, se décomposent, sont anéantis après la séparation du corps, ils n’existent plus après la mort. Voilà de quelle manière, seigneur, Adjita Kêsakambali interrogé par moi sur le résultat général et prévu [des actions humaines], m’a expliqué l’opinion de la dissolution. De même que celui auquel on demanderait ce que c’est qu’une mangue, et qui répondrait, C’est le fruit de la citrouille, ou que celui

  1. Cet ascète est celui qui est nommé dans les livres du Népal Adjita Kêçakambala. (Introd. à l’hist. du. Buddh. t. I, p. 162.) L’orthographe de notre Sutta ne diffère de celle du sanscrit que par l’addition du suffixe in, « celui qui a une couverture faite de [ses ?] cheveux. »