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APPENDICE. — No II.

qu’il se rapporte à un pèlerinage de Çâkya chez les Mallas, pèlerinage qui est contemporain de la mort de Nigaṇṭha, fils de Nâta. Je fais ces remarques pour montrer de quelle manière on pourrait tenter une classification des Suttas des Singhalais d’après les noms et les choses qu’ils rappellent incidemment. Quel que doive être le résultat d’une tentative de ce genre, elle sera toujours d’un grand intérêt pour l’histoire des Suttas du Sud ; car si les circonstances que relatent ces livres sont l’expression de la vérité, on le reconnaîtra bien à leur accord mutuel, comme aussi leur discordance nous fera clairement voir si elles ont été rassemblées au hasard et par suite d’un respect apparent plutôt que réel pour la tradition. Ainsi, en nous en tenant aux deux Suttas dont il vient d’être question, le Sag̃gîti serait postérieur au Sâmanna phala, ce qui le placerait dans l’une des dernières années de la vie de Çâkyamuni, c’est-à-dire de 551 à 543 avant notre ère, puisque nous savons par les Buddhistes du Sud, ou plus positivement par le témoignage du Mahâvamsa, que Çâkya mourut la huitième année du règne d’Adjâtasattu, et que le Sâmanna phala, où Adjâtasattu figure déjà comme roi, ne peut pas être antérieur à ces huit dernières années de la prédication et de la vie de Çâkya.

Un intérêt plus général encore s’attache à quelques-uns des noms qui figurent dans ce Sutta, comme aussi à d’autres noms propres qui paraissent dans plusieurs traités du même genre. Si le retour des mêmes personnages dans les livres du Nord et dans ceux du Sud, sert à établir l’origine commune de ces deux ordres de livres et en assure également l’authenticité, il sera permis de tirer des inductions analogues de la présence de quelques noms brâhmaniques dans les livres qui font autorité chez les Buddhistes. C’est là, sans doute, un genre d’argument qu’il ne faut pas trop presser ; cependant, si les livres relatifs à la prédication de Çâkyamuni, et qui, par les détails qu’ils renferment, remontent jusqu’à son temps, nous parlaient de rois, de Brâhmanes, de Religieux célèbres dans la tradition brâhmanique et cités par des ouvrages réputés anciens, il faudrait bien admettre que ces ouvrages brâhmaniques seraient, sinon absolument contemporains, du moins très-rapprochés du temps de la prédication de Çâkya. On voit, sans que j’y insiste davantage, ce qu’on pourra gagner par de tels rapprochements ; les Sûtras des Buddhistes devront, dans certains cas, servir à dater quelques portions des livres des Brâhmanes. Il est à peine besoin de dire que la valeur de ces rapprochements sera d’autant plus grande qu’ils seront plus nombreux, et surtout qu’ils formeront des groupes unis, dans l’une et dans l’autre classe de livres, par le même genre de lien.

Nous ne possédons pas encore un assez grand nombre de Sûtras, tant du Népal que de Ceylan, et ceux que nous connaissons n’ont pas encore été examinés sous ce point de vue avec assez d’attention pour qu’on puisse établir définitivement comme démontrés tous les rapprochements qu’il est déjà possible de signaler. Il y a cependant plusieurs années déjà que j’en ai fait pressentir quelques-uns, en relevant, dans les notes de mon Introduction à l’histoire du Buddhisme, ceux des noms propres brâhmaniques qui figuraient dans les traités ou fragments buddhiques dont je faisais usage. Cette recherche devient de jour en jour plus facile, maintenant que le zèle d’une génération de savants pleins d’ardeur s’attache à nous faire connaître les plus anciens monuments de la littérature