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APPENDICE. — No II.

et de Kakuda sont des mots voisins par le sens l’un de l’autre[1]. De ce rapprochement sur l’analogie des noms, à l’identification des deux personnages, il n’y aurait certainement qu’un pas ; toutefois cette analogie ne me paraît pas encore assez forte pour autoriser suffisamment la conclusion qu’on en voudrait tirer.

Le nom de Kâuṇḍinya donne lieu à des remarques analogues. Nous connaissons par les livres du Népal deux Brâhmanes de ce nom, l’un qui est Adjnâta Kâuṇḍinya[2], et l’autre qu’on appelle Vyâkaraṇa Kâuṇḍinya[3]. Comme Adjnâta signifie « le savant, » il se pourrait bien que ce personnage eût été ainsi nommé à cause de ses connaissances en grammaire, et que les deux Kâuṇḍinyas des légendes buddhiques ne fussent au fond qu’un seul et même personnage. Maintenant, parmi les anciens grammairiens cités dans les Prâtiçâkhya-sûtras des Brâhmanes, Roth a trouvé un Kâuṇḍinya[4] qui a pour seul nom cet ethnique ou ce patronymique, selon que Kâuṇḍinya devra s’interpréter, soit par « celui qui est né à Kuṇḍina, » l’ancienne capitale du Vidarbha (le Bérar actuel), soit par « le descendant de la race de Kuṇḍina, » ou peut-être même « le descendant d’une Kuṇḍinî ou fille bâtarde[5]. » De toute manière le Kâuṇḍinya, dit le grammairien, des Buddhistes pourrait bien n’être qu’un seul et même personnage avec le Kâuṇḍinya des Prâtiçâkhyas brâhmaniques. Weber, qui a remarqué le rôle commun de ces deux Brâhmanes, n’en a pas, je l’avoue, conclu à leur identité, mais il a donné tous les moyens d’arriver à cette conclusion[6].

Weber a signalé encore l’existence d’un ou deux autres noms communs aux textes brâhmaniques et aux textes buddhiques, comme par exemple un Pûrṇa qui est surnommé Mâitrâyaṇî puttra chez les Buddhistes[7], tandis que, chez les Brâhmanes, Mâitrâyanî est un nom bien connu qui est devenu le titre d’un des Upanichads appartenants au Yadjus noir[8], et le nom des Vâtsîputtrîyas, qu’il rapprocha du Vâtsîputtra de la généalogie du Vrĭhadâranyaka[9]. On en trouvera certainement beaucoup d’autres, indépendamment des noms isolés comme celui de Pâuchkarasâdi[10], qu’on dit contemporain de Çâkya et que Roth a

  1. Indische Studien, t. I, p. 441 et 484.
  2. Introd. à l’hist. du Buddh. Indien t. I, p. 156, note 2 ; le Lotus de la bonne loi, ci-dessus, p. 292.
  3. Introd. à l’hist. du Buddh. Indien t. I, p. 530.
  4. Zur Litter. und Geschichte des Weda, p. 66.
  5. Voy. Kuṇḍinî, dans le Gaṇa Garga, Pâṇini, t. II, p. xcii, éd. Boehtlingk.
  6. Weber, Ind. Stud. t. I, p. 71, et surtout p. 441, note 1.
  7. Introd. à l’hist. du Buddh. Indien t. I, p. 479.
  8. Weber, Ind. Stud. t. I, p. 373 et 375.
  9. Vrĭhadâraṇyaham, éd. Poley, p. 98 ; Weber, Ind. Stud. t. I, p. 484.
  10. Introd. à l’hist. du Buddh. Indien t. I, p. 208. En pâli, ce nom s’écrit Pôkkharasâdi ou sâti ; c’est un dérivé patronymique de Puchkarasâd, « qui se repose sur l’eau ou sur l’étang, » probablement pour dire lotus. Il paraîtrait que les interprètes tibétains des livres sanscrits buddhiques ont eu sous les yeux une autre orthographe de ce nom propre, à en juger d’après la traduction qu’ils en ont donnée. J’ai en effet lieu de croire que le Brâhmane nommé par eux Padma sñing-po doit être le même que Pâuchkarasâdi, (Csoma, Analysis of the Dulva, dans Asiat. Res. t. XX, p. 63 et 91.) Il semble, en effet, qu’ils ont employé padma comme synonyme de pâuchkara, qui pris à part peut désigner le lotus, en tant que produit d’un étang. D’un autre côté, comme sñing-po signifie « qui possède le cœur ou l’essence, » cette expression doit répondre non plus à sâdi, mais à sârin. Il est donc très-probable que, dans l’opinion des interprètes tibétains, le nom sanscrit de ce Brâhmane était Pâuchkârasârin. Je pense de même que le nom du village brâhmanique du pays des