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LE LOTUS DE LA BONNE LOI.

trouvé dans les Prâtiçâkhyas[1], et celui de Mâudgalyâyana, ou encore comme les noms généraux des familles brâhmaniques, telles que les Vâsichṭhides, les Gâutamides, les Bhâradjvâdides, les Kâçyapides, qui au temps de Çâkyamuni jouaient un rôle important dans le Nord et dans l’Est de l’Inde. Je rappelle ces noms, qui sont célèbres dans les plus anciennes traditions indiennes, pour indiquer par un seul trait au milieu de quels personnages les livres buddhiques nous montrent Çâkyamuni cherchant des disciples et répandant ses prédications. Or ces personnages sont exactement ceux qui paraissent le plus souvent dans les Brâhmaṇas des Vêdas et dans les Upanichads qui s’y rattachent, soit que ces derniers livres reproduisent des extraits des Brâhmaṇas, soit qu’ils en imitent la forme ou en développent les théories.

J’ai donc pu dire avec raison, il y a quelques années et quand les matériaux qui s’accumulent autour de nous étaient à peine connus, que Çâkyamuni a paru dans l’Inde à un moment des croyances brâhmaniques beaucoup plus rapproché de l’âge des Vêdas que de celui des Purâṇas[2]. Ce résultat, j’en ai la conviction, acquerra d’autant plus de solidité que les Sûtras des Buddhistes et les Brâhmaṇas des Brâhmanes seront mieux connus ; il deviendra même un critérium sûr pour déterminer d’une manière approximative la date de plusieurs traités buddhiques admis dans le Nord de l’Inde parmi les écritures authentiques, mais dont le fonds, comme le cadre, nous permettent de suspecter l’antiquité. Sur ces points intéressants de critique et d’histoire, ainsi que sur la nature des doctrines, les textes traduits ou extraits avec soin nous en apprendront plus que les conjectures et les combinaisons auxquelles on pourrait se livrer d’avance avec le petit nombre de faits qui sont actuellement entre nos mains. Et pour terminer ces remarques par une preuve de cette dernière assertion, je donnerai ici le commencement d’un des Suttas du Dîgha nikâya, où Çâkyamuni nous apparaît exactement placé dans la situation que j’indiquais tout à l’heure, c’est-à-dire dans un temps, selon toute vraisemblance, très-postérieur à l’âge de l’hymnologie védique, mais contemporain de l’époque de discussions philosophiques et de travail intellectuel qui a dû commencer pour l’Inde vers le viiie siècle au moins avant notre ère[3].

« Voici ce que j’ai entendu un jour[4] : Bhagavat parcourant le pays des Kôsalas, arriva avec une grande assemblée de Religieux, avec cinq cents Religieux, à l’endroit où se trouve le village de Brâhmanes du pays des Kôsalas, nommé Manasâkaṭa. Bhagavat s’ar-

    KôçalasPâuchkarasâdi passe pour avoir résidé, village que Csoma, d’après les Tibétains, désigne ainsi, Hdod-pa-hthun-pa (Analysis of the Dulva, etc. p. 91), doit être le lieu dit Itchtchhânam̃ kâlam̃ du Sutta pâli, intitulé Ambaṭṭha sutta, du Dîgha nikâya. Ce nom de lieu doit signifier « l’endroit où l’on ramasse tous les désirs, tout ce qu’on désire. »

  1. Zur Litt. und Geschichte des Weda, p. 66.
  2. Ce point de vue est aussi celui de M. R. Roth, qui a porté dans ces délicates questions de critique un savoir très-solide et la clarté d’un esprit parfaitement droit. J’ose présenter sa dissertation sur les Vêdas et sa préface au Nirukta comme des modèles en ce genre de recherches, dans un moment surtout où quelques esprits vigoureux, mais trop peu réglés peut-être, semblent se livrer avec une sorte d’intempérance à l’enivrement produit par l’abondance des matériaux précieux que leur zèle amène chaque jour, je dirais volontiers à la lumière, s’ils consentaient à se rendre un peu plus faciles à lire.
  3. Roth, Jâska’s Nirakta, introd. p. LIII.
  4. Têvidjdja sutta, dans Dîgh. nik. f. 60 b et suiv.