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APPENDICE. — No II.

nation indienne, ait profité de l’agitation des esprits pour mettre à la portée de la masse du peuple des questions dont tout nous engage à croire que les classes élevées des Brâhmanes et des Kchattriyas se réservaient le plus souvent l’examen ?

Après ces observations générales, qui m’ont été suggérées par le cadre du Sâmañña phala, je dois examiner sommairement la doctrine qui y est contenue. Cette doctrine est comprise sous trois chefs principaux : la vertu ou la morale (Sîla), la méditation (Samâdhi), et la sagesse (Paññâ). La morale comprend, en premier lieu, les préceptes relatifs aux actes dont il faut se détourner avec aversion, c’est-à-dire le meurtre, le vol, l’incontinence, le mensonge, la médisance, la grossièreté de langage, les discours frivoles, la destruction des végétaux ou des animaux, la vue des représentations dramatiques, le goût de la parure, celui d’un grand lit, l’amour de l’or et de l’argent, ainsi que de beaucoup d’autres choses qu’il ne convient pas à un Religieux de recevoir, la profession de messager, le négoce, la fraude, la ruse, et la violence qui se manifeste par de mauvais traitements. Chacun de ces articles est développé quelquefois amplement, souvent avec d’intéressants détails : la morale y paraît sous des formes simples et pratiques ; on ne remarque encore ici d’autre classification que celle qui est absolument nécessaire pour l’ordre de l’exposition. Cependant l’importance de cette partie de la doctrine paraît dans le titre que le Brahma djâla sûtta donne à ce passage, qui dans mon manuscrit est terminé par les mots Mûlasîlam, « moralité fondamentale ou fondement de la morale. » Si on le compare, en effet, avec les énumérations que j’ai données des règles du Sîla, d’après les diverses sources que j’ai indiquées plus haut, on y retrouvera, moins la forme dogmatique, tous les préceptes de ces énumérations mêmes.

Ces règles fondamentales de la moralité pour le Religieux Buddhiste sont suivies de dix autres paragraphes, qui dans le manuscrit du Brahma djâla sutta ont le titre de « moralité moyenne, » Madjdjhima sîlam̃. Ces paragraphes ont cela de commun avec les préceptes précédents, qu’ils sont également présentés sous une forme négative, et de plus, qu’ils répètent plusieurs des avertissements qui composent les derniers articles des règles fondamentales. Mais ils en diffèrent d’une manière sensible, et par le développement, et par les exemples qui les élucident. Ces dix paragraphes sont une véritable critique des habitudes et des mœurs des ascètes et des Brâhmanes contemporains des premiers temps du Buddhisme. Il s’y trouve des détails curieux, dont quelques-uns sont obscurs, soit par la faute du copiste, soit à cause de l’absence d’un dictionnaire. Çâkyamuni y condamne l’un après l’autre le goût de la destruction, celui du luxe, des représentations dramatiques, du jeu, des lits somptueux, de la parure, des entretiens vulgaires, du dénigrement, puis l’état de messager, et enfin celui de jongleur et d’astrologue.

Les préceptes de « la moralité moyenne » sont suivis de sept articles, auxquels le manuscrit du Brahma djâla donne le titre de « la grande moralité, » Mahâsîlam. Ces articles portent tous exclusivement sur les moyens de vivre que doit s’interdire un Religieux, et ils se composent de longues énumérations de professions et de pratiques faites pour donner du profit à ceux qui s’y livrent. Ces articles sont, pour la plupart, peu différents les uns des autres. Ainsi, dans le premier, figure la connaissance des signes, celle de certains