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LE LOTUS DE LA BONNE LOI.

animaux, et la pratique de plusieurs modes de sacrifices usités chez les Brâhmanes, Le second article continue le même sujet, sauf celui des sacrifices ; le troisième, le quatrième et le cinquième énumèrent les divers objets sur lesquels s’exerce l’art trompeur de la divination ; on voit que, pour dire le vrai, ces trois articles n’en devraient former qu’un seul. À la divination succède la sorcellerie ; puis viennent, dans le septième et dernier paragraphe, la pratique de diverses cérémonies religieuses essentiellement brâhmaniques et l’exercice de la médecine. Il y a dans ces énumérations faites avec assez peu de méthode quelques points obscurs ; mais ces points sont en petit nombre, et le but de l’ensemble n’en reste pas moins parfaitement intelligible. Il s’agit là des moyens de vivre que Çâkyamuni veut interdire à ses Religieux ; et le titre de « grande moralité » donné à cette section du Sîla, en indique, selon toute apparence, l’importance relative plutôt que la valeur absolue : nous ne devons pas oublier qu’il s’agit ici de Religieux, qui après avoir obéi aux prescriptions des deux sections précédentes, doivent mettre le sceau à leur vertu, en respectant avec le même soin les commandements de la troisième. C’est là, ainsi que le dit notre texte même, « la masse de la morale » dont ils doivent être doués ; c’est le Silakkhandha que Çâkyamuni s’est donné pour mission de célébrer devant la foule du peuple.

J’ai dit tout à l’heure que cette exposition du Sîla ou des devoirs moraux n’offrait d’autre trace de classification que celle qui était absolument nécessaire pour la connaissance du sujet. Cette observation n’est pas sans importance, en ce qu’elle signale le Samanna phala comme un des Suttas dans lesquels la théorie des devoirs moraux en est encore à ses premiers débuts. Elle acquiert une plus grande valeur de la comparaison qu’on peut faire de notre Sutta avec d’autres traités du même genre, que j’appellerais Suttas de classification. J’en trouve deux dans la collection du Dîgha nikâya, qui sont les deux derniers du recueil, et qui portent les titres de Sag̃gîti et de Dasuttara. Il semble qu’ils aient été placés à la fin du Dîgha nikâya pour lui servir comme de tablé de matières ; ils ne se composent guère, en effet, que de listes ou de catégories, dont plusieurs reviennent avec des développements plus ou moins considérables dans les Suttas très-inégalement développés de cette collection. Ainsi, et pour nous en tenir à notre Sâmañña phala, on trouve dans le Sag̃gîti sutta deux catégories, celle des Dosa akusala kamma pathâ, ou « les dix voies des actions vicieuses. » et celle des Dasa kusala kamma pathâ, ou « les dix voies des actions vertueuses. » La première catégorie se compose des termes suivants : le meurtre, le vol, l’adultère, le mensonge, la médisance, la grossièreté de langage, les vains discours, la cupidité, la méchanceté, l’hérésie. La seconde catégorie se compose des termes contraires aux précédents, c’est-à-dire de l’aversion pour le meurtre, pour le vol, et ainsi des autres ; ce sont là les dix Vêramaṇîs dont j’ai parlé plusieurs fois dans cette note[1]. Le lecteur reconnaîtra ici, non-seulement une des énumérations des actions coupables que j’ai eu occasion d’exposer d’après les auteurs qui avaient touché à ce sujet avant moi, mais un résumé et comme une table des matières de la première partie du Sîla, d’après le Sâmañña phala, partie à laquelle un manuscrit donne le titre de « fondements de la morale. » Ainsi, dans une exposition dogmatique de la morale buddhique, il faudrait faire précéder la

  1. Sag̃gîti sutta, dans Dîgha nikâya, f. 190 b ; ci-dessus, p. 444 et suiv.