Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/550

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
509
APPENDICE. — No III.

une objection considérable en face de l’opinion de l’annaliste chinois. Au reste, le temps n’est probablement pas éloigné où cette question et d’autres du même genre pourront être traitées avec plus d’avantage d’après des matériaux plus complets. Les travaux étendus que mon savant confrère, M. Stanislas Julien, a entrepris sur la relation du voyageur buddhiste Hiuan thsang, ne tarderont sans doute pas à paraître, et l’on pourra dès lors se servir en toute assurance du témoignage des auteurs chinois, dont on aura la fidèle reproduction.

Dans le cours du petit traité népâlais souvent cité sous le titre abrégé de Pantchavimçatikâ, on a pu voir que Mañdjuçrî était ordinairement rappelé sous les noms de Mandjunâtha et Mandjudêva. Le Trikâṇḍa çêcha, ainsi que l’a déjà fait remarquer M. Wilson, donne une liste beaucoup plus nombreuse de synonymes et d’épithètes du nom de Mañdjuçrî[1]. Je commence par celles dont l’adjectif mañdju, « beau, » forme l’élément principal. Le Trikâṇḍa çêcha ne cite ni Mandjunâtha, ni Mandjudêva ; mais il donne Mañdjubhadra et Mañdjughôcha : ce dernier nom, qui est d’un fréquent usage, est cité dans notre Lotus même[2]. Ces cinq désignations, qui peuvent passer pour autant de noms de Mañdjuçrî (mot qui forme le sixième nom où figuré mañdju), font vraisemblablement allusion à là beauté physique de ce personnage ; une seule exprime l’agrément de sa voix, c’est celle de Mañdjughôcha ; notre Lotus en connaît cependant une autre, Mañdjusvara, qui a le même sens. Les titres de Mandjunâtha et Mañdjudêva, quoique manquant dans le Trikâṇḍa çêcha, n’en sont pas moins parfaitement authentiques : ce sont des épithètes tout à fait d’accord avec le rang de prince royal, que le Trikâṇḍa lui reconnaît en le nommant Kumâra, comme fait régulièrement notre Lotus[3]. C’est au même ordre d’idées qu’appartient le titre de Mahârâdja, donné par le Trikâṇḍa çêcha. Une épithète qu’il ne faut pas oublier ici est celle de nîla, qui doit signifier « le noir » ou « le bleu foncé ; » ce titre semblerait annoncer une origine un peu méridionale. Cinq épithètes rappellent les armes que Mañdjuçrî portait : ce sont Khaḍgin, « celui qui a un glaive ; » Daṇḍin, « celui qui porte un bâton ; » Âchṭâratchakravat, « celui qui porte le Tchakra ou la roue aux huit rayons ; » Sthiratchakra, « celui dont le Tchakra ou la roue est solide, » épithète dont je ne saisis pas bien la vraie portée ; Vadjradhara, « celui qui porte la foudre. »

D’autres épithètes désignent son costume et sa monture ; ainsi on le représente comme Çikhâdhara, « portant une mèche de cheveux sur le sommet de la tête ; » Pañtchatchîra, « ayant un vêtement formé de cinq lambeaux d’étoffe, » ce qui rappelle le vêtement rapiécé des Religieux buddhistes ; Nîlôtpalin, « tenant un nymphæa bleu ; » Vibhûchaṇa, « paré d’ornements, » sans doute quand on se le figure sous son costume de prince royal ; Çârdûlavâhana, « ayant un tigre pour monture, » et Sim̃hakêli, « jouant avec un lion. » Deux épithètes très-remarquables semblent faire allusion à son état antérieur, soit dans une existence passée, soit avant qu’il se présentât comme l’instituteur religieux du Népâl : on le nomme Pûrvayakcha, « autrefois Yakcha, » peut-être par allusion à son séjour dans une contrée où la superstition populaire plaçait des Yakchas ; et Pûrvadjina, « autrefois Djina, »

  1. Notice, etc. dans Asiat. Res. t. XVI, p. 470 ; Trikâṇḍa çêcha, chap. i, sect. 1, st. 20, 21, 22.
  2. Voyez ci-dessus, p. 301.
  3. Voyez ci-dessus, p. 300.