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APPENDICE. — N° III.

très-probablement par allusion à la croyance qui en fait une incarnation de Çâkyamuni Buddha.

Une seule épithète paraît se rapporter au dessèchement de la vallée du Népâl qu’on lui attribue ; c’est celle de Djalêndra, « l’Indra ou le chef des eaux. » Tous les autres titres, au nombre de cinq, indiquent par divers caractères sa supériorité comme instituteur religieux. On le nomme Vâdirâdj, « le roi de ceux qui soutiennent des controverses ; » Pradjñakâya, « celui dont la sagesse est le corps ; » Djñânadarpaṇa, « le miroir de la connaissance ; » Dhiyam̃pati, « le maître des pensées ; » Balavrata, « celui qui a une dévotion forte. » On peut conclure sans hésiter, de l’analyse comparée de ces nombreuses épithètes, que Mañdjuçrî passait, au temps de la compilation du Trikâṇḍa çêcha, pour un prince de sang royal, pour un guerrier armé, pour un Religieux vainqueur dans les controverses et reconnaissable à sa beauté extérieure, au charme de sa voix, à son teint noir et à diverses particularités du costume des Religieux ; mais parmi ces épithètes, on n’en trouve qu’une qui se rapporte à son rôle de civilisateur, si toutefois, comme je le remarquais en commençant, il est permis de donner cette extension à l’épithète de Djalêndra ; rien autre chose ne le rattache positivement au Népâl.

Les textes nous manquent encore pour pousser plus loin la monographie de ce personnage, qui joue un rôle important dans les grands Sûtras sanscrits du Népâl et du Tibet. Résumons seulement en quelques mots les points par lesquels Mañdjuçrî se rattache à l’histoire du Buddhisme ; c’est, on le comprendra, bien moins pour tirer de ces éléments encore trop incomplets des conséquences historiques, que pour les signaler à des recherches ultérieures.

Une chronologie tibétaine compilée en 1686 de notre ère place la naissance de Mâñdjughôcha à l’an 2523 avant cette date ; ce qui la reporte à l’an 837 avant Jésus-Christ. Cette même chronologie le fait antérieur de trois cent cinquante-six ans au célèbre Nâgârdjuna.

Une chronologie chinoise des événements les plus importants du Buddhisme fait naître Mañdjuçrî deux cent cinquante ans après la mort de Çâkya ; ce qui, d’après le calcul des Buddhistes de Ceylan, le place en 293 avant notre ère.

Le voyageur chinois Fa hian trouve, au ive siècle de notre ère, la mémoire de Mañdjuçrî honorée dans l’Inde centrale.

Son nom est cité, avec ses titres religieux et militaires, par le Trikâṇḍa çêcha, vocabulaire sanscrit rédigé entre le xe et le xie siècle de notre ère.

Enfin un fragment de Ma touan lin le dit fils d’un roi de l’Inde qui vivait en 968 de notre ère.

J’ai montré plus haut combien ces diverses données étaient peu conciliables entre elles. Je répète seulement que si d’un côté Mañdjuçrî ne peut être aussi ancien que le ixe siècle avant notre ère, il est bien difficile qu’il soit aussi moderne que le xe siècle après. Je remarque en passant cette circonstance singulière, que la chronologie tibétaine le fait à peu près autant remonter que le fait descendre le fragment de Ma touan lin. Admettons par hypothèse que la table tibétaine, qui offre plus d’un côté faible, ne mérite, quant à cette date, aucun crédit, et ne lui empruntons que ce seul renseignement, savoir, que Mañdjuçrî