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APPENDICE. — N° V.

Telle est la première opinion des Buddhistes barmans sur ce qu’il faut entendre par la voie qui conduit au Nibbâna. Mais le colonel H. Burney nous apprend que d’autres entendent par magga, « voie, » les quatre grandes routes, en d’autres termes les quatre grands ordres de saints personnages nommés Âryas, et en pâli Ariyas, qui jouent un rôle aussi considérable au moins dans le Buddhisme de Ceylan que dans celui du Nord. Ces routes sont subdivisées chacune en deux classes ; ce qui donne un total de huit ordres formés par les Ariyas, ou les saints supérieurs qui par l’empire absolu qu’ils exercent sur leurs passions, et par la perfection de vertu qu’ils ont acquise, se sont mis en possession d’une puissance surnaturelle[1]. Nous savons déjà que ces quatre ordres sont les Çrotaâpannas, les Sakrĭdâgâmins, les Anâgâmins et les Arhats ; chacun d’eux est divisé en deux classes, selon que les personnages qui les composent sont encore dans la voie où ils marchent, ou ont déjà obtenu les fruits du voyage qu’ils ont entrepris ; ce sont des points sur lesquels j’ai donné ailleurs d’amples détails ; il me suffira d’y renvoyer le lecteur[2]. Ajoutons, pour terminer ce que nous trouvons à dire sur le mot magga, quelque commentaire qu’on en donne d’ailleurs, que suivant une définition rapportée par Turnour, le magga renferme une sous-division que l’on nomme paṭipadâ, en sanscrit pratipad. Le magga, dit Turnour, est la voie qui conduit au Nibhâna ; la paṭipadâ, littéralement « la marche pas à pas, ou le « degré, » est la vie de rectitude qu’on doit suivre, quand on marche dans la voie du magga[3].

La différence qui distingue les deux interprétations du magga ou de la quatrième vérité sublime que je viens d’exposer, constitue-t-elle une différence d’opinion chez les Buddhistes du Sud, ou bien indique-t-elle une différence d’époque, de telle sorte que l’interprétation la plus simple, celle qui exige le moins d’efforts de savoir et de vertu, serait, soit plus ancienne, soit plus moderne que la seconde qui n’ouvre la voie du Nibbâna qu’aux saints de l’ordre le plus relevé ? Ce sont là des points que ne touche pas le colonel Burney, et sur lesquels j’avoue n’avoir pas moi-même de raisons suffisantes pour prendre un parti. Lorsque nous connaîtrons mieux dans tous leurs détails les commencements de la doctrine morale et métaphysique du Buddhisme, nous serons mieux préparés à traiter ces questions délicates ; quant à présent nous décrivons plutôt que nous ne jugeons.

Or pour revenir aux résultats obtenus par le colonel Burney, la doctrine du dernier Buddha établit, en ce qui regarde les quatre vérités sublimes, les points suivants. La première vérité, celle de la douleur, est l’effet dont la cause est la seconde vérité, celle de la production ; la troisième vérité, celle de la cessation, peut seule délivrer l’homme des souffrances et de la tyrannie des deux premières ; et l’effet libérateur de la troisième vérité peut seulement être obtenu par la possession de la quatrième, qui est la voie. Cette manière d’envisager le mutuel enchaînement des quatre vérités est tout à fait dans l’esprit du Buddhisme ; et le colonel Burney ne l’aurait pas empruntée à des sources écrites, qu’on ne devrait pas pour cela hésiter à en reconnaître la parfaite exactitude. Les quatre vérités

  1. Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 159. Voyez Appendice no XIV, Sur les cinq Abhidjñâs.
  2. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 290 et suiv.
  3. Turnour, Examination of Pâli Buddhistical Annals, dans Journ. of the asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 1007, note ✝.