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APPENDICE. — No V.

duction. Par la loi de la cessation, l’homme doit s’affranchir des misères de l’existence et parvenir à un état de repos et de quiétude qui est le Nirvâṇa (Nîbbâna). Enfin la quatrième vérité, celle de la voie, exprime l’ensemble des moyens par lesquels on arrive à ce dernier état, où, comme le dit Clough dans son Dictionnaire singhalais, « les passions sont toutes subjuguées, et tout attachement à une continuation de l’existence est anéanti[1]. »

Il paraît qu’il y a, chez les Barmans, deux opinions touchant les moyens qu’on résume sous le titre collectif de magga. Les uns entendent par là les huit bonnes pratiques, dont nous avons deux énumérations semblables dans le Lalita vistara et dans le Vocabulaire pentaglotte buddhique[2]. Elles ne sont pas moins connues des Buddhistes de Ceylan, qui les désignent collectivement sous le titre de aṭṭhag̃gamagga, « la voie aux huit parties ; » et on les trouve chacune sous leur forme sanscrite et pâlie, à leur ordre alphabétique, dans le Dictionnaire singhalais de Clough[3]. J’en donne ici l’énumération, plaçant d’abord le terme sanscrit et ensuite le terme pâli : 1o Samyagdṛĭchṭi et sammâdiṭṭhi, « la vue droite ; » c’est pour un Buddhiste l’orthodoxie. 2o Samyaksam̃kalpa et sammâsam̃kappa, « la volonté droite » ou la pureté d’intention ; cela doit s’entendre encore au sens religieux, car le Lalita vistara ajoute que cette pratique conduit à l’abandon de tous les doutes, de toutes les incertitudes et de toutes les hésitations. 3o Samyagvâk et sammâvâtchâ, « le langage droit » ou l’exactitude reproduire fidèlement comme un écho tous les sons et toutes les voix qu’on a entendus. 4o Samyakkarmânta et sammâkammanta, « la fin de l’action droite, » c’est-à-dire une conduite régulière et honnête ; le Lalita, dans son style figuré, dit que cette vertu conduit à ne pas mûrir ce qui n’est pas une œuvre, c’est-à-dire à ne pas conduire à leur achèvement des actions qui ne seraient pas admissibles, des actions irrégulières et coupables. 5o Samyagâdjîva et sammâdjiva, « le moyen d’existence droit, » c’est-à-dire une profession honnête qui ne soit pas entachée de péché, avantage qui, selon le Lalita vistara, rend l’homme indifférent à toute espèce d’ambition. 6o Samyagvyâyâma et sammâvâyâma, « l’application droite, » vertu qui, d’après le Lalita, conduit l’homme à la rive opposée où il veut atteindre. 7o Samyaksmrĭti et sammâsati, « la mémoire droite, » qui, dans le Lalita, conduit à fixer fortement dans son esprit ce qui ne doit pas être oublié. Enfin 8o samyaksamâdhi et sammâsamâdhi, « la méditation droite, » qui, selon le Lalita, fait obtenir à l’homme la méditation d’un esprit incapable d’être ébranlé ; c’est encore, selon Clough, une sainte tranquillité d’esprit ; car il ne faut pas oublier que, dans l’opinion des Buddhistes, samâdhi exprime bien moins la méditation toute seule et prise au sens philosophique, que ce calme méditatif auquel on n’arrive qu’en se rendant absolument maître de soi-même. Et voilà pourquoi Clough a traduit par paix de l’esprit le terme de samâdhi, qui s’il est synonyme de samatha, « calme, » l’est également de êkaggatâ, « attention dirigée sur un point unique, » et de avikkkêpa, « absence de trouble[4]. »

  1. Singhal. Diction. t. II, p. 194.
  2. Lalita vistara, f. 22 b de mon man. A ; Vocabulaire pentaglotte, sect. xxxi ; Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 44.
  3. Singhal. Diction. t. II, p. 15.
  4. Abhidh. ppadîp. liv. I, chap. II, sect. 5, st. 11. Voyez encore Appendice no XIII, Sur les quatre degrés du Dhyâna.