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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/101

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et le Roi marqua autant d’impatience de voir la réponse, et ouvrit les tablettes avec autant de désordre, qu’il en eût eu des nouvelles du gain ou de la perte d’une grande bataille, tant il est vrai que la moindre chose de la part de ce que l’on aime est de conséquence aux véritables Amants. Il fut ravi d’y trouver des vers d’un caractère si passionné, qu’il les crut faits pour l’encourager à son amour ; aussi ne tarda-t-il pas long-temps à lui en aller donner des preuves. Il fut aussitôt chez elle ; mais s’il la trouva avec sa tendresse ordinaire, il la trouva aussi en une mélancolie extrême, qui ne venoit, lui disoit-elle, que de la peur qu’elle avoit qu’il ne l’aimât pas toujours avec autant d’ardeur : « car, continua-t-elle, ne croyez pas que mon miroir ne m’apprenne bien que ma personne désormais n’est pas trop agréable ; j’ai perdu presque ce qui peut plaire, et enfin je crains avec raison que, vos yeux n’étant plus satisfaits, vous ne cherchiez dans les beautés de votre cour de quoi les contenter. Cependant, ne vous trompez pas ; vous ne trouverez jamais ailleurs ce que vous trouvez en moi. — J’entends, j’entends tout, répartit le Roi avec une passion extrême ; oui, je sais que je ne trouverai jamais en personne ces divins caractères qui m’ont su charmer, et que je ne trouverai jamais qu’en vous cet esprit admirable et charmant qui fait qu’auprès de vous, dans les déserts effroyables, on pourroit passer sa vie sans chagrin, et, au contraire, avec beaucoup de plaisir. Cessez donc d’outrager, par vos injustes soupçons, un prince qui vous adore, et croyez que je sais que je ne trouverai jamais en personne ce cœur