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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/127

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pour vous obliger à partager mes chagrins, et à être touchée de pitié pour les maux que votre absence me fait souffrir, qui ne peuvent être adoucis par tous les divertissemens que mon cœur me fournit ; ainsi je puis être persuadé qu’il est des momens où vous souffrez tout ce qu’une personne qui aime peut souffrir.

Une heure après que ce billet fut parti, l’impatience du Roi fut si grande pour voir sa maîtresse qu’il pria le duc de Saint-Aignan de l’aller quérir, ne le pouvant pas lui-même à raison de quelques affaires importantes qu’on traitoit pour lors dans le conseil. Le duc partit aussitôt, et deux jours après nos deux amans goûtèrent la satisfaction qu’il y a de se voir après une si petite absence. Leur joie fut grande ; celle de la Reine ne fut pas de même, qui avoit déjà assez de chagrin sans celui-là, d’avoir presque entendu toutes les nuits que le Roi rêvoit tout haut de cette petite pute (c’est ainsi qu’elle la nommoit, parce qu’elle ne sçait pas assez bien le françois).

C’est une bonne princesse ; le Roi est un grand prince, personne n’est digne d’être sur nos têtes que lui ; jamais on n’a vu de grands hommes qui, aussi bien que lui, n’aient été vaincus par l’amour : admirons toujours sa bonne foi, sa tendresse et sa grande constance, et de mademoiselle de La Vallière l’esprit et la modération [1].

  1. À voir cette sorte de conclusion qui se rattache si peu à ce qui précède, il n’est pas douteux, ce semble, que le récit n’ait été interrompu, et qu’il y ait ici une lacune. — Nous avons vainement cherché un texte plus complet.