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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/172

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que vous ne preniez ses intérêts contre moi, et que vous ne trouviez à dire que j’aie osé élever mes yeux et mes pensées jusqu’à elle. Mais qui auroit pu lui résister, Madame ? Elle est d’une taille médiocre et dégagée ; son teint, sans le secours de l’art, est d’un blanc et d’un incarnat inimitables ; les traits de son visage ont une délicatesse et une régularité sans égale ; sa bouche est petite et relevée, ses lèvres vermeilles, ses dents bien rangées et de la couleur de perles ; la beauté de ses yeux ne se peut exprimer : ils sont bleus, brillans et languissans tout ensemble ; ses cheveux sont d’un blond cendré le plus beau du monde ; sa gorge, ses bras et ses mains sont d’une blancheur à surpasser toutes les autres ; toute jeune qu’elle est, son esprit vaste et éclairé est digne de mille empires ; ses sentimens sont grands et élevés, et l’assemblage de tant de belles choses fait un effet si admirable qu’elle paraît plutôt un ange qu’une créature mortelle [1]. Ne croyez pas, Madame, que je parle en amant ; elle est telle que je la viens de figurer, et si je pouvois vous faire comprendre son air et les charmes de son humeur, vous demeureriez d’accord qu’il n’y a pas au monde un objet plus adorable. Je la vis quelque temps sans imaginer

  1. Comparez à ce portrait celui que trace de madame Henriette madame de Motteville : « Elle avoit le teint fort délicat et fort blanc ; il étoit mêlé d’un incarnat naturel comparable à la rose et au jasmin. Ses yeux étoient petits, mais doux et brillants. Son nez n’étoit pas laid ; sa bouche étoit vermeille, et ses dents avoient toute la blancheur et la finesse qu’on leur pouvoit souhaiter. Mais son visage trop long et sa maigreur sembloit menacer sa beauté d’une prompte fin. » (Mém. de Mottev., édit. 1723, 5, p. 177.)