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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/171

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ce que je pus pour gagner l’esprit de cette fille ; je lui exprimai les sentimens de mon cœur les plus secrets, et tout ce que je pus tirer d’elle fut qu’elle vouloit bien être de mes amies, mais que je prisse garde de lui rien demander qui fût contre les intentions de sa maîtresse, et qu’elle me plaignoit de me voir prendre une visée si dangereuse. Elle me dit mille choses de bon sens là-dessus, auxquelles j’ai souvent pensé pour ma conduite, et je n’ai jamais pu savoir d’elle si Madame avoit d’aussi bons yeux qu’elle pour découvrir ma passion. Je la conjurai de me dire encore quelque chose, lorsque la comtesse sortit.

»Ce fut alors que me trouvant seul, tout le monde étant parti excepté Montalais, je tremblai de l’assaut que l’on m’alloit donner. Je n’eus pas fait cette réflexion que Madame me dit : « Eh bien, comte de Guiche, parlerez-vous aujourd’hui ? — Je ne sais pas précisément ce que je dirai, répondis-je, mais je sais bien que je vous obéirai toujours aveuglément. J’aurois bien voulu vous taire mes folies, par le profond respect que j’ai pour Votre Altesse, et parce que je ne puis faire de tels aveux sans confusion. — Je me doutois bien, reprit-elle, qu’il y avoit quelque chose, et parce que vous venez de me dire vous avez redoublé ma curiosité ; mais assurez-vous encore une fois que vous ne hasarderez rien à la satisfaire. — J’avois besoin de cette assurance, Madame, lui dis-je, pour me résoudre tout à fait ; mais vous vous souviendrez, s’il vous plaît, que vous me l’avez ordonné. Il y a six mois, poursuivis-je, que j’aime une dame qui touche assez près à Votre Altesse pour craindre