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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/185

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d’agir, nous ne connoissons que trop nos affaires. Cependant je fais ma cour fort régulièrement à Monsieur ; j’ai même tâché de me mettre de ses parties pour avoir plus d’occasion de lui témoigner quelque complaisance. Mais j’ai remarqué qu’il aime à être seul parmi les dames, et je suis bien aise qu’il soit de cette humeur. Je lui ai offert de négocier auprès de madame d’Olonne pour lui, et il l’a trouvée belle et aimable deux ou trois fois. Je l’ai vu presque résolu en cette affaire ; mais il craint tout, il ne peut se résoudre à rien ; il fait difficulté sur tout, et, à vous parler franchement, je ne crois pas qu’il aime à conclure. Je ne me suis point rebuté, je lui en ai parlé dix fois ; car j’ai grand intérêt qu’il se donne un amusement. Madame de Montespan me l’a débauché, et comme la moindre chose l’arrête, me voilà délivré de ses soins. Jugez, cher ami, si je ne suis pas heureux, et si quelqu’un en France peut se vanter de me surpasser en bonne fortune.

— J’avoue, lui dis-je [1], que votre bonheur est si grand que j’en tremble pour vous ; je le vois environné de tant d’abîmes que ce sera un miracle si vous pouvez sortir de cet engagement par une issue favorable : vous avez à tenir bride en main et à vous défendre de deux emportements où vous peut porter un état si glorieux, et, quelque sage conduite que vous puissiez observer, il faut que la fortune ne vous quitte point. Pour
  1. On peut avoir oublié que, pendant tout le long récit qui précède, Manicamp a laissé la parole au comte de Guiche ; il parle maintenant en son nom.