Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/234

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faux, s’il en étoit l’ombre ou le corps. Et c’est un coup assez extraordinaire, comme vous allez voir, mais qui lui réussit merveilleusement bien, puisqu’il s’assura de son entier bonheur.

Un jour qu’il étoit avec cette princesse, car il ne la quittoit que le moins qu’il pouvoit, et s’il témoignoit de l’empressement pour y demeurer, Mademoiselle n’en faisoit guère moins pour le retenir ; il étoit donc un jour avec elle, où, après un assez long entretien, il témoigna à cette princesse qu’il avoit quelque chose de particulier à lui dire. Mademoiselle, qui n’eut pas de peine à le reconnoître, le tira à part, et lui ayant dit qu’elle étoit prête à l’écouter s’il avoit quelque chose à lui dire : « Il est vrai, répondit monsieur de Lauzun à Mademoiselle, que j’ai une grâce à demander à Votre Altesse Royale ; mais je n’ose pas le faire sans sa permission. — Il y a long-temps que vous l’avez tout entière, Monsieur, dit Mademoiselle ; vous n’avez qu’à parler et demander hardiment tout ce qui dépend de moi, et vous assurer en même temps de tout. — Quoique Votre Altesse Royale ait assez de bonté pour m’accorder ma demande, poursuivit monsieur de Lauzun, il n’est pas juste que j’en abuse, et si tout autre motif que celui de vos intérêts me faisoit agir, je serois sans doute moins hardi et plus circonspect. — Que ce soit votre intérêt ou le mien, dit Mademoiselle, tout m’est égal ; parlez seulement avec assurance d’obtenir tout ce que vous demanderez. »

Monsieur le comte de Lauzun répondit à ces discours si obligeants de Mademoiselle par une profonde révérence, et poursuivit après en cette