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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/233

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succès ; aussi fut-ce une douce amorce pour lui que cette dernière conversation, où il trouva tout sujet d’espérer. Et ce fut ce qui l’enhardit de pousser sa fortune à bout.

Il passa quelque temps dans cet état, et à toujours rendre ses soins avec plus d’assiduité qu’à l’ordinaire à Mademoiselle. Et à mesure qu’il remarquoit que cette princesse prenoit plaisir à le souffrir, il ne manquoit pas aussi de faire tout ce qu’un bel esprit est capable de faire pour se maintenir dans ses bonnes grâces. Et il en avoit toujours l’occasion en main, par cent belles choses que son génie lui fournissoit ; et dans tous les entretiens qu’il avoit avec cette princesse, il faisoit paroître tant de respect en toutes ses actions, et un tel enjouement dans son humeur, qu’enfin tout cela, joint à la vivacité de son esprit et à la force de son raisonnement, tout cela, dis-je, étoit trop puissant pour y résister. Aussi, Mademoiselle, qui, mieux que qui que ce soit, avoit un esprit capable de juger de ces choses, y trouvoit trop de quoi se plaire pour n’y pas prendre plaisir, et par conséquent pour se pouvoir défendre. Elle étoit même ravie quand elle le voyoit entrer chez elle, parcequ’elle le regardoit déjà comme une conquête assurée, et elle auroit quitté toutes choses pour avoir sa conversation, ne trouvant rien où elle eût un si agréable divertissement.

Ils en étoient là, lorsque monsieur le comte de Lauzun, devenant de jour en jour plus hardi et plus familier avec Mademoiselle, à mesure qu’il en devenoit amoureux, s’avisa d’une invention pour savoir si son bonheur étoit vrai ou