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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/237

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pas démentir le mien, je veux vous faire l’unique dépositaire de mes pensées les plus secrètes. Que si par hasard je manque de prudence en parlant, souvenez-vous qu’en qualité d’homme d’honneur comme vous êtes, vous êtes obligé par toutes sortes de raisons à garder le secret, et qu’il n’y a pas moins de science à se taire qu’il y en a à bien parler. A propos, dites-moi donc ce que vous me demandez ; je ne vous parle point de vos galanteries, je souffre même, pour l’estime que j’ai pour vous, que vous m’en disiez toujours quelques unes en passant, parce que je sais bien qu’un esprit galant et de cour comme le vôtre ne sauroit s’en passer. Il n’y a que vous, Monsieur, qui soit capable de cajoler [1] de si bonne grâce, jusqu’à vouloir faire passer une simple pensée pour une chose inébranlable et assurée, lors même qu’elle n’est qu’imaginaire. — Mais, Mademoiselle, répliqua monsieur de Lauzun, de grâce que dites-vous ? Vous croyez donc que je n’ai pas seulement pensé ce que je viens de vous dire ? Que si Votre Altesse Royale pouvoit lire jusqu’au fond de mon cœur, elle verroit bien la vérité de la chose, et je m’assure qu’elle n’auroit pas lieu de douter de moi comme elle fait. Et pour faire voir à Votre Altesse Royale que je

  1. Voici un exemple de l’emploi du mot cajoler qui montre bien qu’il étoit pris ici dans son véritable sens : « La politesse de notre galanterie, dit Huet, évêque d’Avranches, dans son traité de l’origine des romans, vient, à mon avis, de la grande liberté dans laquelle les hommes vivent avec les femmes. Elles sont presque recluses en Italie et en Espagne, et sont séparées par tant d’obstacles qu’on ne leur parle presque jamais, de sorte qu’on a négligé de les cajoler agréablement, parceque les occasions en étoient fort rares. »