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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/263

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Mademoiselle, qui jusque là avoit feint de ne point entendre ce que vouloit dire M. de Lauzun, et qui même en avoit ri au commencement, voyant qu’il parloit tout de bon et que la manière dont il avoit exprimé sa douleur étoit effectivement sincère et sans feinte, cette princesse en fut effectivement touchée, et cette humeur riante faisant place à la compassion, se changea en un moment en un véritable sérieux. Et comme ce qu’elle avoit fait d’abord n’étoit que pour l’éprouver, et que d’ailleurs elle ne souhaitoit rien tant que de s’assurer du cœur de M. le comte de Lauzun, elle ne s’en crut pas plutôt assurée, que cette tendresse qu’elle avoit pris soin de cacher au fond de son cœur se découvrit enfin à sa faveur. Et cette langueur que Lauzun avoit sur tout son visage l’ayant touchée jusques au vif, Mademoiselle le regardant d’un œil plus favorable qu’elle n’avoit encore fait, après avoir longtemps gardé le silence, cette princesse lui dit : « Ha ! Monsieur, que vous faites un grand tort à la sincérité de mon procédé envers vous, et que vous connoissez mal les sentimens que mon cœur a conçus pour vous ! Si vous saviez l’injure que vous me faites de me traiter ainsi, vous vous puniriez vous-même de l’affront que vous me faites. Quoi ! vous tournez en raillerie la plus grande affection du monde, où j’ai apporté toute la sincérité qui m’étoit possible ! Je me suis fait violence avant que de faire ce que j’ai fait pour vous ; mais enfin la tendresse l’a emporté sur ma fierté ; je m’oublie, s’il faut le dire, pour vous donner la plus forte preuve de mes affections que j’aye jamais donnée à personne.