Aller au contenu

Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

J’en ai vu, et vous le savez, d’un rang qui n’étoit pas inférieur au mien, qui ont fait tout ce qu’ils ont pu pour mériter mon estime ; cependant ils ont travaillé en vain, et non seulement je vous donne cette estime, mais je me donne moi-même ! Après cela vous dites que je me moque de vous et que je hasarde votre réputation ; je me hasarde bien plutôt moi-même. Néanmoins je passe par dessus toutes ces considérations qui s’y opposent, et pourquoi cela, sinon pour vous élever à un rang où, selon toutes les apparences, vous ne déviez pas prétendre, quoique vous méritiez davantage ? »

M. de Lauzun, qui n’osoit pas croire encore ce qu’il venoit d’entendre [1], au moins en faisoit-il semblant, après avoir vu que Mademoiselle ne parloit plus, répondit en ces termes : « Oh ! Mademoiselle, que vous êtes ingénieuse à tourmenter un malheureux ! et qu’il faut bien avouer que les personnes de votre condition ont bien de l’avantage de pouvoir se divertir si agréablement, mais cruellement pour ceux qui en sont le sujet ! Votre Altesse Royale me vent rendre heureux en idée et en imagination pour un moment, pour me rendre malheureux ensuite le reste de mes jours. Et de grâce, encore une fois, Mademoiselle, faites-moi plutôt mourir tout d’un coup, il

  1. Madame de Nogent, sœur de M. de Lauzun, fut moins difficile à persuader : « J’avois écrit sur une carte : Monsieur, M. de Longueville, et M. de Lauzun. Comme je causois, le soir, avec madame de Nogent, je lui montrai ces trois noms, et je lui dis : « Devinez lequel de ces trois hommes j’ai envie d’épouser ? » Elle ne me fit d’autre réponse que celle de se jeter à mes pieds et me répéter qu’elle n’avoit que cela à me dire. » (Mém. de Madem., édit. citée, 6, p. 133.)