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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/269

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par le passé, je tâcherai avec soin à composer et mes yeux et toutes mes actions, de peur qu’à l’insu de mon cœur ils ne vous disent quelque chose de ce qu’il ressent pour vous : car, quelle apparence, Mademoiselle, qu’un simple cadet qui n’a que son épée pour partage osât aspirer à la possession d’une princesse qui n’a jamais su regarder les têtes couronnées qu’avec indifférence, et qui a refusé les premiers partis de l’Europe ? Quelle apparence, dis-je, qu’après le refus de tant de souverains parmi lesquels il y en a qui, par le rang qu’ils tiennent, pouvoient sans doute prétendre avec quelque justice à la possession de Votre Altesse Royale… Néanmoins toute la terre sait qu’elle a eu toujours un cœur ferme à toutes ces poursuites, comme si la terre ne portoit pas un homme digne d’elle. Ainsi, Mademoiselle, après une connoissance si parfaite de toutes ces choses, tout le monde ne m’auroit-il pas blâmé, si on avoit su quelque chose des sentimens de mon âme envers Votre Altesse Royale ? Et n’aurois-je pas lieu de craindre toutes choses de votre ressentiment, si j’étois assez téméraire pour vous le découvrir ? Oui, Mademoiselle, je vous le dis encore, que, de quelque suite affreuse de tourmens dont je prévoyois que mon cruel silence alloit être indubitablement suivi, je préparois mon âme à une forte et respectueuse résistance. Il m’étoit bien plus avantageux de vous aimer d’un amour caché et à votre insu, que de hasarder une déclaration capable de vous déplaire et de m’interdire l’accès entièrement libre que j’avois auprès de Votre Altesse Royale. Il est vrai, Mademoiselle, que dans cet